16/11/2013
L'Argentine et Monsanto : amour, haine et gros sous
Difficile de parler de manière neutre de Monsanto, cette multinationale combien de fois montrée du doigt, accusée, vilipendée… Cette « diabolisation » ne sort toutefois pas de quelques esprits échauffés, mais de faits bien réels. Marie-Monique Robin avait été précurseur avec son documentaire « Le monde selon Monsanto » ; aujourd’hui penchons-nous sur Monsanto en Argentine, à l’occasion d’un article édifiant publié par le Concord Monitor (et traduit en français par Novopress).
16:30 Publié dans Economie argentine, Société argentine - questions sociales | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : monsanto, argentine, sofia gatica, soja, ogm, maladies | Facebook | | |
05/11/2013
La vie en autarcie dans un quartier fermé argentin
Je relaie ici un très bon article d'Alice Pouyat, publié cette semaine dans Madame Figaro, sur Nordelta, un quartier fermé ("barrio cerrado") situé sur la commune de Tigre, à quelque 30 kms de Buenos Aires.
Vidéo de promotion de Nordelta
01:39 Publié dans Société argentine - questions sociales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : nordelta, barrio cerrado, country | Facebook | | |
01/05/2013
Qui sont les fous ?
Hier fut encore une journée à marquer d’une pierre blanche à Buenos Aires … Parce que l’on célébrait le couronnement de Maxima, première reine d’origine argentine ? Que nenni.
Parce que la violence policière avait encore frappé, et qu’ils furent des milliers à descendre dans la rue pour condamner les brutalités de la police métropolitaine de Macri.
Cette fois-ci, comble du cynisme, la violence s’est déchaînée dans l’enceinte d’un hôpital. Le Borda est le plus ancien hôpital psychiatrique d’Argentine. Inauguré en 1865, sous le nom de Hospicio San Buenaventura, il a été précurseur dans la recherche neurobiologique et psychopathologique.
3 mois après les violences du Parque Centenario, la police de Macri s’en est pris à une institution de santé publique. On n’arrête pas le progrès…
Que s’est-il passé au Borda ?
Le 26 avril, aux premières heures du jour, la police métropolitaine a fait irruption dans l’enceinte du Borda pour prendre possession de plusieurs bâtiments, servant d’ateliers aux patients de l’hôpital.
Cela fait déjà plusieurs mois que le gouvernement de la ville avait fait part de ses intentions de récupérer une partie du terrain, sur lequel est installé le Borda dans le quartier de Barracas au sud de Buenos Aires. L’objectif annoncé : y implanter des services du gouvernement local.
Depuis cette annonce, les représentants de l’hôpital avaient élevé leur voix contre ce qu’ils considéraient comme une atteinte directe à la santé publique. Les syndicats quant à eux ont rapidement affirmé qu’il ne s’agissait, ni plus ni moins, que d’une manœuvre visant à récupérer du foncier, pour ensuite faire du développement immobilier.
L’arrivée impromptue des policiers le 26 avril a rapidement entraîné des affrontements, médecins, infirmiers, patients, défendant l’atelier et le terrain de l’hôpital. Les journalistes avertis de l’opération se sont aussi vite retrouvés la cible de la répression policière. Au total, 80 personnes ont été blessées, parmi lesquelles 20 patients du Borda.
La réaction de Macri
Au lendemain des événements, Macri a de son côté dénoncé les violences exercées par le personnel, les patients du Borda, et par les syndicats de fonctionnaires… Il a refusé de répondre à la question de Pagina 12, qui lui demandait en conférence de presse s’il avait lui-même donné l’ordre de réprimer les opposants par la force.
La marche du 30 avril
Pendant que Maxima se faisait couronner de l’autre côté de l’Atlantique, une marche réunissant les fonctionnaires publics ainsi que de nombreux mouvements de la société civile, ont envahi l’avenue de mai. Les leaders syndicaux ont réclamé un « procès politique » de Macri et la démission du ministre de la Sécurité du gouvernement local, Guillermo Montenegro.
« Criminalisation des mouvements sociaux », refus du dialogue, violence policière… le tableau était plutôt noir en cette veille de 1er mai.
Photo de l'intro : issue de Pagina 12
20:47 Publié dans Société argentine - questions sociales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : borda, hôpital psychiatrique borda, manifestation, marcha, macri, police métropolitaine | Facebook | | |
06/04/2013
La question mapuche en Argentine
En Argentine, vivent une trentaine de peuples appelés « peuples originaires », autrement dit descendant des civilisations précolombiennes. Ils représentent environ 600 000 personnes (recensement mené en 2004-2005 par l’Indec). Les Mapuches sont les plus nombreux d’entre eux, avec une population d’environ 114 000 personnes, dont les deux tiers vivent dans la province de Neuquèn.
Toutefois, les organisations indigènes estiment que ces chiffres sont inférieurs à la réalité, nombreux étant ceux choisissant de dissimuler leurs origines par peur d’être discriminés.
Du fait de leur nombre, les Mapuche constituent sans aucun doute le peuple originaire le plus connu ; c’est aussi un de ceux qui luttent le plus. Tout voyageur ayant traversé la Patagonie aura entendu parler des revendications mapuches, au cours de son périple.
Qui sont les Mapuches ?
Les Mapuches sont originaires du Chili, mais commencent dès le 15e s. à faire des incursions de l’autre côté de la Cordillère des Andes et à s’y installer peu à peu. Leur situation va connaître une dégradation significative avec le début de la conquête espagnole.
Le tournant majeur a lieu à partir de la fin du 18e s. À cette époque, les « Argentins » prennent conscience des considérables richesses de la Patagonie. De nouvelles villes se créent où émigre une population d’origine européenne. Dans de nombreuses zones, les Mapuches se retrouvent exilés de leur territoire, et partent vivre dans les provinces de Cordoba, San Luis, Santa Fe et Buenos Aires. On parle alors de « mapuchizacion de la pampa ».
Malgré ces déplacements, c’est près de la Cordillère que vivent encore aujourd’hui le plus grand nombre de Mapuches.
Pourquoi existe-t-il une lutte mapuche ?
Comme dans le cas de tous les peuples originaires, les droits des Mapuches ont systématiquement été bafoués depuis l’arrivée des Espagnols en Amérique du Sud. Les terres où vivaient ces peuples ont été considérées par les colons européens comme des « terra nullius », des terres n’appartenant à personne. C’est ainsi que les Mapuches ont subi de nombreuses spoliations et expulsions, et ce, sans parler des milliers de morts de la campagne « Conquête du désert » menée par Roca entre 1879 et 1881.
Or près d’un siècle et demi après cette opération belliqueuse, qui permit à l’Argentine de dominer la Patagonie, les droits de la communauté Mapuche sont encore loin d’être réellement respectés.
Comme tous les peuples indigènes, les Mapuches sont extrêmement attachées à leurs terres ancestrales. Or les spoliations n’ont jamais cessé. Aujourd’hui, les luttes concernent des terres convoitées par les producteurs de soja, par l’industrie forestière, par des promoteurs immobiliers dans les régions touristiques (c’est notamment le cas à Bariloche), ou bien sûr par l’industrie minière et pétrolière.
Focus
Le 19 décembre 2012, Miguel Galuccio (YPF) et Ali Moshiri (Chevron) ont signé un accord évalué à 1 Md de dollars, pour que la compagnie américaine investisse dans l’exploitation d’hydrocarbures de schiste, dans la zone de Vaca muerta (Neuquen). Ce faisant YPF a cédé un territoire de 290 km2. L’accord prévoit qu’à terme Chevron pourrait creuser jusqu’à 2000 puits sur une surface totale de 600 km2. Les Mapuches ont aussitôt dénoncé cet accord, non seulement pour les problèmes fonciers qu’il représente, mais également pour tous les dommages qu’il ferait subir à l’environnement et aux populations implantées dans les zones concernées. Pour rappel, la technique d’exploitation des hydrocarbures de schiste, appelée en anglais « fracking », a été interdite dans plusieurs pays (France, Bulgarie ; moratoire en Angleterre).
La signature de l’accord est actuellement remise en question, du fait d’une décision de justice argentine imposant un gel des biens de Chevron, en lien avec un procès concernant des dégâts environnementaux en Équateur. Le ministre de l’énergie, Guillermo Coco, s’est empressé de dire que la situation serait rapidement débloquée en faveur de Chevron…
Les institutions de lutte pour les droits des peuples originaires et les avancées constitutionnelles
Des progrès ont cependant été faits à partir de la fin des années 1990. En effet, les droits des peuples originaires ont commencé à être reconnus à partir de la réforme constitutionnelle de 1994 et de la ratification par l’Argentine de la convention n° 169 sur les peuples indigènes et tribaux de l’Organisation internationale du travail en 2000 (convention luttant contre la discrimination).
La réforme constitutionnelle reconnaissait notamment le droit de propriété des peuples originaires sur leurs terres ancestrales.
Toutefois, l’ensemble de ces réformes ne semble pas avoir de traduction claire, visible et systématique dans l’ensemble des provinces argentines.
Le site Pueblos originarios en America explique notamment que la plupart des terres « en litige » sont considérées comme des terres « fiscales »… autrement dit les gouvernements locaux ont seul le pouvoir de dire à qui elles reviennent. Et personne ne sera surpris de savoir qu’en cas de litige, les peuples autochtones sont presque toujours perdants. Comment lutter contre des millions de pesos, voire de dollars ?
Des droits humains et sociaux encore très fragiles
Pour lutter contre un système leur étant encore très souvent défavorable et faisant parfois preuve d’une extrême violence à leur égard, les peuples originaires se sont eux-mêmes organisés. La Confederación Mapuche del Neuquén a ainsi créé en 2009 l’Observatoire des droits humains des peuples indigènes, qui effectue un monitoring régulier sur les décisions de justice, ainsi que sur les évolutions constitutionnelles, concernant les peuples « originaires ».
En savoir plus :
- Le blog de Leslie Cloud (EHESS) qui contient de très nombreuses infos sur les droits des populations autochtones d’Argentine
- Le projet de co-gestion mis en place à Bariloche et visant à donner une place aux Mapuche dans la prise de décisions concernant les aménagements du parc national Nahuel Huapi. « Actuellement, le blocage majeur provient du fait que les communautés ne peuvent pas, seules, faire face aux pressions économiques et au lobbying de grands groupes, sur des terres jugées économiquement exploitables. C’est ici que la gestion participative du territoire et les coopérations créées avec le parc national prennent sens. »
17:49 Publié dans Histoire argentine, Société argentine - questions sociales | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : mapuche, argentine, conquête du désert, spoliation, expulsion, chevron, ypf, territoire mapuche, bariloche, nahuel huapi, confédération mapuche, peuples originaires, peuples autochtones, droit, défense, schiste, vaca muerta | Facebook | | |
13/03/2013
Le pape est argentin ! Jorge Bergoglio devient François 1er
La nouvelle de l'année voire du siècle pour la communauté catholique latino-américaine...
Le nouveau pape est argentin. Pour la première fois dans l'histoire de l'Eglise, le plus haut poste de l'Eglise est occupé par un non-européen.
Jorge Bergoglio, désormais "Francesco primo", a une lourde tâche devant lui : effacer les scandales financiers qui ont secoué récemment le Vatican, trouver une solution aux problèmes récurrents de pédophilie qui touchent l'Eglise, moderniser une institution qui souffre considérablement, notamment face à la montée en puissance des églises évangéliques...
Agé de 76 ans, Jorge Bergoglio, archevêque de Buenos Aires, semble avoir quelques années devant lui pour mener à bien des changements longs et profonds. Reste à savoir quelles sont les intentions de ce pape jésuite...
Côté politique, Jorge Bergoglio est connu pour ses positions tranchées et ses divergences marquées avec la Casa Rosada : le journal Perfil n'hésitait pas parler de lui comme l'"ennemi public" du kirchnérisme.
Considéré comme conservateur, il s'était opposé avec force et vigueur au mariage gay, et s'est toujours élevé contre l'avortement (le fait qu'il devienne pape ne risque-t-il pas d'ailleurs de retarder la légalisation de l'avortement dans les pays d'Amérique latine).
Une lettre écrite à des religieuses carmélites au sujet du mariage gay avait fait couler beaucoup d'entre, de par son contenu très virulent et opposé à tout changement de société.
Par ailleurs, il est à noter que Bergoglio avait été accusé lors de la dernière élection papale d'avoir "contribué" à la séquestration de deux prêtres durant la dernière dictature militaire et d'avoir entretenu des liens compromettant avec la junte.
A l'annonce de son élection, de nombreux internautes argentins ont d'ailleurs vivement réagi, en rappelant le rôle tristement connu de l'Eglise durant ces années sombres de l'Argentine.
Mi-février, le spécialiste mexicain des religions Roberto Blancarte annonçait qu'un pape latino risquait d'être plus conservateur qu'un européen.
C'est la première fois qu'un Jésuite devient pape. Les Jésuites qui furent chassés d'Amérique latine en 1767 après y avoir créé un presque "empire" reviennent en pleine lumière... et de quelle manière !
Dans les rues de Buenos Aires, les klaxons retentissent déjà de tous côtés : la nouvelle est évidemment historique.
Un pape latino-américain peut-il cependant moderniser une Eglise qui en a plus que jamais besoin ? Le doute est permis.
21:14 Publié dans Divers Amérique latine, Politique argentine, Société argentine - questions sociales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jorge bergoglio, françois 1er, pape, pape argentin, ennemi kirchnérisme, conservateur, mariage gay, avortement, dictature | Facebook | | |
24/02/2013
En Argentine, les syndicats font tirer sur les défenseurs des ouvriers… (cherchez l’erreur)
On voit son visage sur de nombreux murs de la ville. Et des revendications, des cris de justice. Il s’appelait Mariano Ferreyra, il avait 23 ans. Il est mort en octobre 2010 pour avoir défendu les droits des ouvriers « tertiarisés » travaillant pour les chemins de fer de la ligne Roca, à Buenos Aires.
La mort de ce jeune leader de la Fédération Universitaire de Buenos Aires avait considérablement secoué l’Argentine, et elle ne laisse encore d’aujourd’hui de stupéfier et bouleverser. Jugé actuellement au tribunal de Comodoro Py, l'affaire « Mariano Ferreyra » connaîtra dans les semaines à venir son verdict.
Les circonstances de la mort de cet étudiant engagé révèle l’incroyable complexité du système politique et syndical argentin, et jette un jour sordide sur la politique répressive menée par les dirigeants syndicaux, appuyés par la police fédérale.
En octobre 2010, des manifestations commencèrent au sein des chemins de fer d’Avellanada (un quartier de Buenos Aires) pour lutter la tertiarisation de l’emploi. Plutôt que de recruter en interne, les chemins de fer préféraient en effet faire appel à des intérimaires ou des sous-traitants, créant ainsi une forte précarité de l’emploi.
Pour se faire entendre, les manifestants soutenus par le parti ouvrier (Partido obrero) , décidèrent de bloquer les voies. Ceci ne fut pas du goût ni des syndicats ferroviaires - en premier lieu du puissant UF (Union ferroviara), qui n’entendait pas voir remises en cause ses décisions de stratégie de gestion-, ni de l’Etat, qui envoya rapidement la police fédérale contrer les manifestants.
Le 20 octobre 2010, alors que Ferreyra manifestait une nouvelle fois aux côtés des ouvriers tertiarisés, une balle le toucha en plein thorax, entraînant quelques heures plus tard son décès. Très rapidement furent pointés du doigt, d’une part les membres d’un gang ("patota") de l’Union Ferroviaire, des hooligans appelés ici "barrabravas", mais également la police fédérale qui n’aurait rien fait pour empêcher les exactions de ce groupe.
Aujourd’hui sont sur le banc des accusés José Pedraza, alors dirigeant de l’UF, le commissaire de police Lompizano, les « barrabravas » auteurs présumés des tirs, ainsi que des cheminots présents sur les lieux qui auraient empêché une équipe de télévision de filmer lors de l’attaque de la « patota ».
Selon la défense, Pedraza avait un intérêt personnel dans la tertiarisation des emplois (il aurait été lui-même patron d’une entreprise sous-traitante et aurait eu des liens dans une autre).
La défense, au nom du CELS (Centro de estudios legales y sociales), a demandé la perpétuité contre José Pedraza.
Le cas Mariano Ferreyra fait particulièrement froid dans le dos : il prouve la corruption totale, d'une part de la police fédérale et questionne ainsi le rôle du gouvernement Kirchner ; et d’autre part, des très puissants syndicats argentins (leur leader charismatique, dirigeant de la CGT, Hugo Moyano, traînant des scandales sensationnels derrière lui).
Il reste à voir comment la justice argentine tranchera dans ce procès…
En décembre dernier, celle-ci s’était à nouveau fait remarquer, lors du verdict dans l’affaire Marita Veron, une jeune femme enlevée par un réseau de traite des blanches dans la province de Tucuman en 2002.
La défense organisée par la mère de la jeune femme avait réuni en l’espace de 10 ans un monceau de preuves contre des réseaux tout à fait identifiés : les magistrats de Tucuman les ont tous acquittés. Sans commentaire...
00:33 Publié dans Société argentine - questions sociales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : mariano ferreyra, affaire mariano ferreyra, union ferroviaria, syndicats argentins, police fédérale, josé pedraza, affaire marita veron, traite des blanches, justice argentine | Facebook | | |