07/10/2015
Les Qopiwini auront-ils gain de cause ?
Ils sont là depuis déjà 6 mois dans leurs tentes de fortune. Ils occupent un point stratégique de la ville, l’intersection Avenida de Mayo et 9 de Julio ; meilleure visibilité ils pourraient difficilement avoir. Qui sont-« ils » ? Ce sont les représentants des communautés indigènes de Formosa, Qom, Pilagá, Wichi et Nivacle, réunies dans l’organisation « Qopiwini ».
A une semaine de la journée de la diversité (jour férié célébré le 12 octobre), et quelques jours après leur dernier feu de camp ayant bloqué la 9 de Julio, voici quelques clés pour comprendre leurs revendications et les problèmes auxquels ces communautés indigènes du Nord de l’Argentine sont confrontées.
Campement Qopiwini, 9 de Julio
Photo : Isabelle Laumonier
01:04 Publié dans Société argentine - questions sociales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : qopiwini, qoms, communautés indigèes argentine, cristina kirchner, droit des peuples idnigènes, mapuche, expropriations terre argentine | Facebook | | |
06/04/2013
La question mapuche en Argentine
En Argentine, vivent une trentaine de peuples appelés « peuples originaires », autrement dit descendant des civilisations précolombiennes. Ils représentent environ 600 000 personnes (recensement mené en 2004-2005 par l’Indec). Les Mapuches sont les plus nombreux d’entre eux, avec une population d’environ 114 000 personnes, dont les deux tiers vivent dans la province de Neuquèn.
Toutefois, les organisations indigènes estiment que ces chiffres sont inférieurs à la réalité, nombreux étant ceux choisissant de dissimuler leurs origines par peur d’être discriminés.
Du fait de leur nombre, les Mapuche constituent sans aucun doute le peuple originaire le plus connu ; c’est aussi un de ceux qui luttent le plus. Tout voyageur ayant traversé la Patagonie aura entendu parler des revendications mapuches, au cours de son périple.
Qui sont les Mapuches ?
Les Mapuches sont originaires du Chili, mais commencent dès le 15e s. à faire des incursions de l’autre côté de la Cordillère des Andes et à s’y installer peu à peu. Leur situation va connaître une dégradation significative avec le début de la conquête espagnole.
Le tournant majeur a lieu à partir de la fin du 18e s. À cette époque, les « Argentins » prennent conscience des considérables richesses de la Patagonie. De nouvelles villes se créent où émigre une population d’origine européenne. Dans de nombreuses zones, les Mapuches se retrouvent exilés de leur territoire, et partent vivre dans les provinces de Cordoba, San Luis, Santa Fe et Buenos Aires. On parle alors de « mapuchizacion de la pampa ».
Malgré ces déplacements, c’est près de la Cordillère que vivent encore aujourd’hui le plus grand nombre de Mapuches.
Pourquoi existe-t-il une lutte mapuche ?
Comme dans le cas de tous les peuples originaires, les droits des Mapuches ont systématiquement été bafoués depuis l’arrivée des Espagnols en Amérique du Sud. Les terres où vivaient ces peuples ont été considérées par les colons européens comme des « terra nullius », des terres n’appartenant à personne. C’est ainsi que les Mapuches ont subi de nombreuses spoliations et expulsions, et ce, sans parler des milliers de morts de la campagne « Conquête du désert » menée par Roca entre 1879 et 1881.
Or près d’un siècle et demi après cette opération belliqueuse, qui permit à l’Argentine de dominer la Patagonie, les droits de la communauté Mapuche sont encore loin d’être réellement respectés.
Comme tous les peuples indigènes, les Mapuches sont extrêmement attachées à leurs terres ancestrales. Or les spoliations n’ont jamais cessé. Aujourd’hui, les luttes concernent des terres convoitées par les producteurs de soja, par l’industrie forestière, par des promoteurs immobiliers dans les régions touristiques (c’est notamment le cas à Bariloche), ou bien sûr par l’industrie minière et pétrolière.
Focus
Le 19 décembre 2012, Miguel Galuccio (YPF) et Ali Moshiri (Chevron) ont signé un accord évalué à 1 Md de dollars, pour que la compagnie américaine investisse dans l’exploitation d’hydrocarbures de schiste, dans la zone de Vaca muerta (Neuquen). Ce faisant YPF a cédé un territoire de 290 km2. L’accord prévoit qu’à terme Chevron pourrait creuser jusqu’à 2000 puits sur une surface totale de 600 km2. Les Mapuches ont aussitôt dénoncé cet accord, non seulement pour les problèmes fonciers qu’il représente, mais également pour tous les dommages qu’il ferait subir à l’environnement et aux populations implantées dans les zones concernées. Pour rappel, la technique d’exploitation des hydrocarbures de schiste, appelée en anglais « fracking », a été interdite dans plusieurs pays (France, Bulgarie ; moratoire en Angleterre).
La signature de l’accord est actuellement remise en question, du fait d’une décision de justice argentine imposant un gel des biens de Chevron, en lien avec un procès concernant des dégâts environnementaux en Équateur. Le ministre de l’énergie, Guillermo Coco, s’est empressé de dire que la situation serait rapidement débloquée en faveur de Chevron…
Les institutions de lutte pour les droits des peuples originaires et les avancées constitutionnelles
Des progrès ont cependant été faits à partir de la fin des années 1990. En effet, les droits des peuples originaires ont commencé à être reconnus à partir de la réforme constitutionnelle de 1994 et de la ratification par l’Argentine de la convention n° 169 sur les peuples indigènes et tribaux de l’Organisation internationale du travail en 2000 (convention luttant contre la discrimination).
La réforme constitutionnelle reconnaissait notamment le droit de propriété des peuples originaires sur leurs terres ancestrales.
Toutefois, l’ensemble de ces réformes ne semble pas avoir de traduction claire, visible et systématique dans l’ensemble des provinces argentines.
Le site Pueblos originarios en America explique notamment que la plupart des terres « en litige » sont considérées comme des terres « fiscales »… autrement dit les gouvernements locaux ont seul le pouvoir de dire à qui elles reviennent. Et personne ne sera surpris de savoir qu’en cas de litige, les peuples autochtones sont presque toujours perdants. Comment lutter contre des millions de pesos, voire de dollars ?
Des droits humains et sociaux encore très fragiles
Pour lutter contre un système leur étant encore très souvent défavorable et faisant parfois preuve d’une extrême violence à leur égard, les peuples originaires se sont eux-mêmes organisés. La Confederación Mapuche del Neuquén a ainsi créé en 2009 l’Observatoire des droits humains des peuples indigènes, qui effectue un monitoring régulier sur les décisions de justice, ainsi que sur les évolutions constitutionnelles, concernant les peuples « originaires ».
En savoir plus :
- Le blog de Leslie Cloud (EHESS) qui contient de très nombreuses infos sur les droits des populations autochtones d’Argentine
- Le projet de co-gestion mis en place à Bariloche et visant à donner une place aux Mapuche dans la prise de décisions concernant les aménagements du parc national Nahuel Huapi. « Actuellement, le blocage majeur provient du fait que les communautés ne peuvent pas, seules, faire face aux pressions économiques et au lobbying de grands groupes, sur des terres jugées économiquement exploitables. C’est ici que la gestion participative du territoire et les coopérations créées avec le parc national prennent sens. »
17:49 Publié dans Histoire argentine, Société argentine - questions sociales | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : mapuche, argentine, conquête du désert, spoliation, expulsion, chevron, ypf, territoire mapuche, bariloche, nahuel huapi, confédération mapuche, peuples originaires, peuples autochtones, droit, défense, schiste, vaca muerta | Facebook | | |
07/02/2013
La forêt primaire argentine ne cesse de reculer
30 %. C’est ce qui reste aujourd’hui de la forêt « originelle » en Argentine. Les 30 millions d’hectares de « bosques nativos » qui subsistent peuvent impressionner, mais il y a deux cents ans l’Argentine était encore un vrai poumon vert. Si le cas est moins connu et moins patent que celui du voisin Brésilien, qui déforeste allègrement en Amazonie, la situation de l’Argentine n’en reste pas moins alarmante. Greenpeace vient de faire paraître un rapport sur les forêts primaires qui pointe du doigt les bonnes… et surtout les mauvaises conduites !
La loi forestière de 2007
En Argentine, il a fallu attendre fin 2007 pour que soit votée une loi visant à encadrer et limiter les coupes sauvages saignant les forêts. Toutefois, la « ley de Bosques » s’est révélée peu efficace. Greenpeace souligne qu’entre fin 2007 et fin 2012, plus de 1,1 million d’hectares ont été abattus… soit 26 ha/heure pendant 5 ans. L’ONG internationale précise qu’il est impossible de savoir quel pourcentage de cet abattage s’est fait avec des autorisations administratives et quel pourcentage est le fait d’agissements illégaux. Les régions les plus touchées ont été celles de Santiago del Estero, Salta et Formosa.
Le rapport de Greenpeace salue toutefois quelques améliorations notamment dans les provinces du Chaco, de Misiones et San Luis.
Le bilan global de la loi reste malgré tout très négatif. Autre exemple frappant : la loi instaurait via son article 31 la mise en place d’un fonds national pour « l’enrichissement et la conservation » des forêts originelles. Les sommes investies dans ce fonds devaient représentaient au minimum 0,3 % du budget national. Ce financement devait être complété par un prélèvement de 2 % sur les exportations de produits primaires et secondaires provenant de l’agriculture, de l’élevage et du secteur forestier. Or en 2012, sur les 1,9 milliard de pesos qui auraient dû être versés, seuls 267 millions l’ont été !
Pourquoi déforeste-t-on en Argentine ?
L’industrie forestière argentine n’est pas la plus coupable… De fait, la déforestation en Argentine s’explique essentiellement par :
- * La place considérable exigée par la culture du soja, véritable poumon économique depuis 10 ans. De nombreuses voix s’élèvent ainsi contre le remplacement des forêts primaires par du soja OGM… deux visions du monde s’affrontent ici.
- * Le besoin de terres pour l’élevage est l’une des autres causes majeures de la déforestation.
- * Enfin, l’industrie minière, avide d’explorations dans les zones de forêts primaires, est la 3e grande responsable de la disparition de la forêt primaire argentine.
Les conséquences de la déforestation
Outre des conséquences évidentes en matière de biodiversité et d’impact environnemental, la déforestation a un coût humain très important. Les conflits entre industries de l’agroalimentaire ou minières et les peuples originaires ou les communautés paysannes implantés depuis des siècles dans des zones forestières ne cessent de se multiplier.
Greenpeace précise que la déforestation dans des zones traditionnellement habitées ou utilisées par des communautés indigènes ou paysannes contrevient pourtant aux articles 19, 24 et 26 de la « ley de bosques ».
En Patagonie, ce sont notamment les Mapuche qui s’élèvent avec véhémence contre les coupes dévastatrices sur des terres considérées comme ancestrales (et ce des deux côtés de la Cordillère, les Mapuche chiliens étant également très concernés).
Dans le nord de l’Argentine, ce sont les communautés Wichí, Quom y Mocoví, habitant la province du Chaco, qui sont les plus touchées.
Même si l’urgence est manifeste, il semble que les intérêts économiques continuent pour l’heure de prévaloir…
22:55 Publié dans Economie argentine, Société argentine - questions sociales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : déforestation, argentine, greenpeance, bosques nativos, forêts primaires argentines, chaco, soja, soja ogm, mapuche, communautés indigènes, bosque andino-patagonico | Facebook | | |
19/07/2012
L'Argentine en mots et en images
Envie de découvrir l’Argentine sur papier ou sur écran ? Voici deux conseils pour cet été !
A lire : Mapuche, de Caryl Férey
Cet auteur français qui s’était déjà aventuré sur des terres lointaines avec Zulu et Haka, vous embarque cette fois-ci dans un polar haletant, dont l’essentiel de l’action se joue dans un Buenos Aires assez sombre, marqué par la violence, la corruption et les séquelles sanglants de la dictature de Videla. C’est l’occasion, pour ceux qui ne connaissent pas bien cette période noire du pays, de découvrir ce pan d’histoire tragique et récente. Le cœur du livre, la question des enfants des disparus, est une question d’actualité permanente. Les grands-mères de la place de mai continuent encore de lutter pour que soient identifiés les enfants volés aux disparus il y a 30 ans et adoptés à l’époque par les familles proches du régime militaire.
Sur son site, Caryl Férey propose de beaux extraits sonores de Mapuche. A écouter !
A voir : Elefante blanco, de Pablo Trapero
Trapero est l’un des grands réalisateurs argentins actuels. Dans Elefante blanco, il met en scène la star absolue du cinéma argentin, Ricardo Darin, que de nombreux spectateurs ont pu découvrir dans le film couronné aux Oscars « Dans ses yeux ».
Elefante blanco est le surnom d’un hôpital gigantesque, jamais terminé, situé au cœur d’un des bidonvilles de Buenos Aires, la villa 15, aussi connue sous le nom de Ciudad Oculta. On suit dans le film la vie de deux prêtres, Ricardo Darin et Jérémy Rénier, qui cherchent à pacifier la villa et à ouvrir de nouveaux horizons à ses habitants, en particulier aux enfants. L’environnement est très dur, marqué par le trafic de drogues et les tueries entre gangs rivaux…
Les bidonvilles sont un phénomène ancien à Buenos Aires. L’un des plus grands, la villa 31, est situé en plein centre ville, aux portes du terminal d’omnibus et non loin du quartier chic de Recoleta. La crise de 2001 a également contribué au développement de nouvelles villas, dans différents barrios de Buenos Aires. Ces zones de précarité gangrénée par la violence sont un témoignage de l'inégalité extrême qui caractérise la société argentine.
Voir la bande-annonce d’Elefante blanco
La sortie en France est annoncée… prochainement ! Surveillez les programmes de vos cinés !
04:29 Publié dans Culture argentine | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : elefante blanco, pablo trapero, mapuche, caryl ferey | Facebook | | |