19/11/2013
Portrait d'Axel Kicillof, nouveau ministre de l'économie
42 ans, marié, deux enfants, et fraîchement émoulu ministre de l’Économie… Axel Kicillof affiche un parcours sans faute au sein du kirchnérisme. D’où vient-il et comment est-il arrivé aussi vite à ce poste-clé ? Décryptage.
09:24 Publié dans Economie argentine | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : argentine, axel kicillof, kiciloff, cristina kirchner, ministre de l'économie, ypf | Facebook | | |
06/04/2013
La question mapuche en Argentine
En Argentine, vivent une trentaine de peuples appelés « peuples originaires », autrement dit descendant des civilisations précolombiennes. Ils représentent environ 600 000 personnes (recensement mené en 2004-2005 par l’Indec). Les Mapuches sont les plus nombreux d’entre eux, avec une population d’environ 114 000 personnes, dont les deux tiers vivent dans la province de Neuquèn.
Toutefois, les organisations indigènes estiment que ces chiffres sont inférieurs à la réalité, nombreux étant ceux choisissant de dissimuler leurs origines par peur d’être discriminés.
Du fait de leur nombre, les Mapuche constituent sans aucun doute le peuple originaire le plus connu ; c’est aussi un de ceux qui luttent le plus. Tout voyageur ayant traversé la Patagonie aura entendu parler des revendications mapuches, au cours de son périple.
Qui sont les Mapuches ?
Les Mapuches sont originaires du Chili, mais commencent dès le 15e s. à faire des incursions de l’autre côté de la Cordillère des Andes et à s’y installer peu à peu. Leur situation va connaître une dégradation significative avec le début de la conquête espagnole.
Le tournant majeur a lieu à partir de la fin du 18e s. À cette époque, les « Argentins » prennent conscience des considérables richesses de la Patagonie. De nouvelles villes se créent où émigre une population d’origine européenne. Dans de nombreuses zones, les Mapuches se retrouvent exilés de leur territoire, et partent vivre dans les provinces de Cordoba, San Luis, Santa Fe et Buenos Aires. On parle alors de « mapuchizacion de la pampa ».
Malgré ces déplacements, c’est près de la Cordillère que vivent encore aujourd’hui le plus grand nombre de Mapuches.
Pourquoi existe-t-il une lutte mapuche ?
Comme dans le cas de tous les peuples originaires, les droits des Mapuches ont systématiquement été bafoués depuis l’arrivée des Espagnols en Amérique du Sud. Les terres où vivaient ces peuples ont été considérées par les colons européens comme des « terra nullius », des terres n’appartenant à personne. C’est ainsi que les Mapuches ont subi de nombreuses spoliations et expulsions, et ce, sans parler des milliers de morts de la campagne « Conquête du désert » menée par Roca entre 1879 et 1881.
Or près d’un siècle et demi après cette opération belliqueuse, qui permit à l’Argentine de dominer la Patagonie, les droits de la communauté Mapuche sont encore loin d’être réellement respectés.
Comme tous les peuples indigènes, les Mapuches sont extrêmement attachées à leurs terres ancestrales. Or les spoliations n’ont jamais cessé. Aujourd’hui, les luttes concernent des terres convoitées par les producteurs de soja, par l’industrie forestière, par des promoteurs immobiliers dans les régions touristiques (c’est notamment le cas à Bariloche), ou bien sûr par l’industrie minière et pétrolière.
Focus
Le 19 décembre 2012, Miguel Galuccio (YPF) et Ali Moshiri (Chevron) ont signé un accord évalué à 1 Md de dollars, pour que la compagnie américaine investisse dans l’exploitation d’hydrocarbures de schiste, dans la zone de Vaca muerta (Neuquen). Ce faisant YPF a cédé un territoire de 290 km2. L’accord prévoit qu’à terme Chevron pourrait creuser jusqu’à 2000 puits sur une surface totale de 600 km2. Les Mapuches ont aussitôt dénoncé cet accord, non seulement pour les problèmes fonciers qu’il représente, mais également pour tous les dommages qu’il ferait subir à l’environnement et aux populations implantées dans les zones concernées. Pour rappel, la technique d’exploitation des hydrocarbures de schiste, appelée en anglais « fracking », a été interdite dans plusieurs pays (France, Bulgarie ; moratoire en Angleterre).
La signature de l’accord est actuellement remise en question, du fait d’une décision de justice argentine imposant un gel des biens de Chevron, en lien avec un procès concernant des dégâts environnementaux en Équateur. Le ministre de l’énergie, Guillermo Coco, s’est empressé de dire que la situation serait rapidement débloquée en faveur de Chevron…
Les institutions de lutte pour les droits des peuples originaires et les avancées constitutionnelles
Des progrès ont cependant été faits à partir de la fin des années 1990. En effet, les droits des peuples originaires ont commencé à être reconnus à partir de la réforme constitutionnelle de 1994 et de la ratification par l’Argentine de la convention n° 169 sur les peuples indigènes et tribaux de l’Organisation internationale du travail en 2000 (convention luttant contre la discrimination).
La réforme constitutionnelle reconnaissait notamment le droit de propriété des peuples originaires sur leurs terres ancestrales.
Toutefois, l’ensemble de ces réformes ne semble pas avoir de traduction claire, visible et systématique dans l’ensemble des provinces argentines.
Le site Pueblos originarios en America explique notamment que la plupart des terres « en litige » sont considérées comme des terres « fiscales »… autrement dit les gouvernements locaux ont seul le pouvoir de dire à qui elles reviennent. Et personne ne sera surpris de savoir qu’en cas de litige, les peuples autochtones sont presque toujours perdants. Comment lutter contre des millions de pesos, voire de dollars ?
Des droits humains et sociaux encore très fragiles
Pour lutter contre un système leur étant encore très souvent défavorable et faisant parfois preuve d’une extrême violence à leur égard, les peuples originaires se sont eux-mêmes organisés. La Confederación Mapuche del Neuquén a ainsi créé en 2009 l’Observatoire des droits humains des peuples indigènes, qui effectue un monitoring régulier sur les décisions de justice, ainsi que sur les évolutions constitutionnelles, concernant les peuples « originaires ».
En savoir plus :
- Le blog de Leslie Cloud (EHESS) qui contient de très nombreuses infos sur les droits des populations autochtones d’Argentine
- Le projet de co-gestion mis en place à Bariloche et visant à donner une place aux Mapuche dans la prise de décisions concernant les aménagements du parc national Nahuel Huapi. « Actuellement, le blocage majeur provient du fait que les communautés ne peuvent pas, seules, faire face aux pressions économiques et au lobbying de grands groupes, sur des terres jugées économiquement exploitables. C’est ici que la gestion participative du territoire et les coopérations créées avec le parc national prennent sens. »
17:49 Publié dans Histoire argentine, Société argentine - questions sociales | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : mapuche, argentine, conquête du désert, spoliation, expulsion, chevron, ypf, territoire mapuche, bariloche, nahuel huapi, confédération mapuche, peuples originaires, peuples autochtones, droit, défense, schiste, vaca muerta | Facebook | | |
03/05/2012
YPF et le maté, des symboles argentins
C’était dans l’air… Le gouvernement Kirchner a, courant avril, exproprié à hauteur de 51% l’espagnol REPSOL qui détenait la compagnie pétrolière argentine YPF. Accusant REPSOL de ne pas avoir suffisamment investi, obligeant ainsi le pays à devoir importer une grande quantité de pétrole, le gouvernement a donc décidé d’être offensif, encore une fois.
YPF qui avait été privatisé, sous Menem, dans les années 90, rentre à nouveau dans le giron de l’Etat. Ce coup d’éclat a bien sûr engendré de très nombreuses réactions. Dans la population argentine, c’est la joie et la fierté qui l’ont emporté, sous la bannière de la « souveraineté argentine ». Côté scène internationale, l’Argentine s’est à nouveau fait copieusement siffler… L’Union Européenne a estimé que l’action du gouvernement de Cristina Kirchner s’apparentait à un « tremblement de terre sur la scène entrepreneuriale internationale ».
En Argentine, on défend la légitimité de cette prise de pouvoir. Aujourd’hui le déficit énergétique argentin s’élève à 3 milliards de dollars et ce, alors même que le pays, recèle de quantités de ressources. REPSOL est ainsi présenté comme le grand coupable de cette dérive qui a conduit le pays à devenir importateur d’or noir. La question est bien sûr de savoir quels sont les moyens dont disposent le gouvernement pour financer tous les investissements nécessaires à une production intensive…
Cette question n’est cependant guère soulevée pour le moment, tant la campagne de communication orchestrée autour de l’expropriation a bien fonctionné. Des affiches innombrables de la Campora ont ainsi envahi les rues de Buenos Aires pour se féliciter de cette victoire argentine. La même Campora invitait la semaine dernière tous les Porteños à se retrouver au Stade Velez pour célébrer le rêve devenu réalité du couple Nestor-Cristina Kirchner. Et la Campora, c’est quoi ? Un mouvement de jeunes engagés politiquement dirigé par le fils Kirchner, Maximo, et ses amis, qui occupent désormais une place de choix dans le gouvernement.
Beaucoup de bruit qui réussit presque à couvrir l’inflation galopante… Toutefois, il y a quelques semaines, la situation a été sur le point de s’enflammer. Les prix du maté ont effet soudain violemment augmenté, du fait de la sécheresse qui a durement touché les producteurs de yerba maté. Conscient que la population n’apprécierait guère un renchérissement sévère de ce qui constitue l’un des éléments de son identité, le gouvernement est vite intervenu pour fixer des limites tarifaires. On achète bien le silence du peuple…
Décidément, l’Argentine vit une drôle de période...
05:50 Publié dans Economie argentine, Politique argentine | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : ypf, repsol, expropriation, maté, campora | Facebook | | |
15/03/2012
L’Argentine en voie de vénézuelisation ?
On sait que Cristina Kirchner entretient des liens cordiaux, avec son homologue Hugo Chavez. Au point de s’en inspirer très directement ? Hier, les gouverneurs des provinces du Chubut et de Santa Cruz, kirchnéristes convaincus, ont retiré à l’entreprise espagnole Repsol, 4 exploitations de gisement de pétrole.
Le pétrole, le point sensible de l’Argentine
L’Argentine, depuis plusieurs mois, met tout en œuvre pour équilibrer sa balance commerciale. On a déjà parlé ici de l’entrée en vigueur de la Declaracion Jurada Anticipada, mesure protectionniste, qui met les importateurs dans une situation extrêmement délicate, puisque les stocks pour l’heure ne rentrent plus ou au compte-goutte.
Voici que désormais le gouvernement s’attaque à la question de l’énergie. Il est vrai qu’en matière énergétique, l’Argentine est nettement déficitaire. En 2012, les importations énergétiques pourraient s’élever à 9 milliards de dollars.
Dès son investiture en octobre, Cristina avait pointé du doigt la chute de la production et les trop faibles niveaux d’investissement des entreprises pétrolières installées en Argentine. Hier, Repsol/ YPF en a donc fait les frais. Le gouverneur de Santa Cruz, Daniel Peralta, a ainsi affirmé : « Aujourd’hui, nous venons pour dire stop aux politiques qui nous ont conduits au chômage et à l’inégalité sociale, qui ont retiré des ressources aux provinces et aux municipalités. Aujourd’hui, les habitants de Chubut et de Santa Cruz, nous venons dire qu’il faut récupérer la souveraineté en matière d’énergie ». (source : El Pais)
Le lancinant problème d’YPF
YPF (Yacimientos petroliferas fiscales) a été créée en 1922. Cette entreprise publique argentine avait pour objectif l’exploitation des ressources pétrolières du pays. Dans les années 90, sous l’ère Menem marquée par un vaste mouvement de privatisation, YPF fut transformée tout d’abord en Société Anonyme, avant d’être totalement privatisée, à travers la vente à l’espagnol Repsol pour 9 milliards de dollars.
Pour la majorité des Argentins, YPF devrait retourner dans le giron national. Autant dire que la décision prise hier par les gouverneurs de Chubut et de Santa Cruz est donc extrêmement populaire…
Il reste à savoir comment les 2 provinces comptent opérer pour améliorer les niveaux de production sur les gisements retirés à Repsol.
Quelles sont les ressources naturelles de l’Argentine en matière d’énergie ?
L’Argentine dispose de plusieurs types de ressources naturelles, en matière énergétique :
- Des gisements de pétrole et de gaz. Les principaux gisements de pétrole argentins exploités aujourd’hui se trouvent dans le Nord-Ouest (NOA), à Cuyo, Neuquen, dans le Golf de san Jorge et en territoire austral.
- De puissants fleuves : Parana, Uruguay, … capables de produire de l’énergie hydroélectrique,
- Des régions extrêmement ensoleillées, telles que Cuyo, la Puna, la Cordillère orientale, aptes fournir de l’énergie solaire,
- Des zones très venteuses, comme l’immense Patagonie
- Un littoral avec de fortes amplitudes de marées qui permettraient la mise en œuvre d’énergie marémotrice
- Et enfin des volcans, qui peuvent être utilisés sous forme d’énergie géothermique
Il est à noter que l'énergie renouvelable ne semble pas une priorité argentine...En revanche, pour lutter contre le déficit énergétique, l’Argentine semble miser sur l’énergie nucléaire. La politique nucléaire de l’Argentine s’est développée à partir des années 50, avec la création de la Commission Nationale de l’Energie Atomique.
Il n’existe à l’heure actuelle que 2 centrales en Argentine : Atucha 1, dans la province de Buenos Aires, et Embalse, dans la province de Cordoba. Un projet Atucha 2 est en cours de construction, mais connaît de nombreux retours dus à des problèmes économiques et à la très ferme protestation de nombreux Argentins qui s’élèvent contre la construction d’une centrale près d’une ville de 14 millions d’habitants.
L'image internationale de l’Argentine bientôt ou déjà ternie ?
La décision des gouverneurs de Chubut et de Santa Cruz est une mesure particulièrement agressive. Repsol/ YPF a d’ailleurs annoncé que tous les moyens légaux seraient envisagés pour que cette annonce ne soit pas suivie des faits.
L’Argentine vit à l’heure actuelle un durcissement sévère de sa politique à l’égard des entreprises étrangères, souvent accusées de tous les maux. S’il est sans doute vrai que certaines ont pu spéculer contre le pays, ou contribuer à une évasion très significative de devises, on peut toutefois se demander si l’attitude très belliqueuse de Kirchner et de ses supporters sera in fine bénéfique au pays.
Dans un contexte déjà très marqué par les constantes déclarations et revendications sur les Malouines (dont il faut rappeler que le pétrole est l’un des enjeux), il y a fort à parier que l’image internationale de l’Argentine risque de se dégrader de manière sérieuse.
15:28 Publié dans Economie argentine, Politique argentine | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : ypf, repsol, chubut, santa cruz, déficit commercial, argentine, pétrole, malouines, atucha, ressources énergétiques | Facebook | | |