07/02/2013
La forêt primaire argentine ne cesse de reculer
30 %. C’est ce qui reste aujourd’hui de la forêt « originelle » en Argentine. Les 30 millions d’hectares de « bosques nativos » qui subsistent peuvent impressionner, mais il y a deux cents ans l’Argentine était encore un vrai poumon vert. Si le cas est moins connu et moins patent que celui du voisin Brésilien, qui déforeste allègrement en Amazonie, la situation de l’Argentine n’en reste pas moins alarmante. Greenpeace vient de faire paraître un rapport sur les forêts primaires qui pointe du doigt les bonnes… et surtout les mauvaises conduites !
La loi forestière de 2007
En Argentine, il a fallu attendre fin 2007 pour que soit votée une loi visant à encadrer et limiter les coupes sauvages saignant les forêts. Toutefois, la « ley de Bosques » s’est révélée peu efficace. Greenpeace souligne qu’entre fin 2007 et fin 2012, plus de 1,1 million d’hectares ont été abattus… soit 26 ha/heure pendant 5 ans. L’ONG internationale précise qu’il est impossible de savoir quel pourcentage de cet abattage s’est fait avec des autorisations administratives et quel pourcentage est le fait d’agissements illégaux. Les régions les plus touchées ont été celles de Santiago del Estero, Salta et Formosa.
Le rapport de Greenpeace salue toutefois quelques améliorations notamment dans les provinces du Chaco, de Misiones et San Luis.
Le bilan global de la loi reste malgré tout très négatif. Autre exemple frappant : la loi instaurait via son article 31 la mise en place d’un fonds national pour « l’enrichissement et la conservation » des forêts originelles. Les sommes investies dans ce fonds devaient représentaient au minimum 0,3 % du budget national. Ce financement devait être complété par un prélèvement de 2 % sur les exportations de produits primaires et secondaires provenant de l’agriculture, de l’élevage et du secteur forestier. Or en 2012, sur les 1,9 milliard de pesos qui auraient dû être versés, seuls 267 millions l’ont été !
Pourquoi déforeste-t-on en Argentine ?
L’industrie forestière argentine n’est pas la plus coupable… De fait, la déforestation en Argentine s’explique essentiellement par :
- * La place considérable exigée par la culture du soja, véritable poumon économique depuis 10 ans. De nombreuses voix s’élèvent ainsi contre le remplacement des forêts primaires par du soja OGM… deux visions du monde s’affrontent ici.
- * Le besoin de terres pour l’élevage est l’une des autres causes majeures de la déforestation.
- * Enfin, l’industrie minière, avide d’explorations dans les zones de forêts primaires, est la 3e grande responsable de la disparition de la forêt primaire argentine.
Les conséquences de la déforestation
Outre des conséquences évidentes en matière de biodiversité et d’impact environnemental, la déforestation a un coût humain très important. Les conflits entre industries de l’agroalimentaire ou minières et les peuples originaires ou les communautés paysannes implantés depuis des siècles dans des zones forestières ne cessent de se multiplier.
Greenpeace précise que la déforestation dans des zones traditionnellement habitées ou utilisées par des communautés indigènes ou paysannes contrevient pourtant aux articles 19, 24 et 26 de la « ley de bosques ».
En Patagonie, ce sont notamment les Mapuche qui s’élèvent avec véhémence contre les coupes dévastatrices sur des terres considérées comme ancestrales (et ce des deux côtés de la Cordillère, les Mapuche chiliens étant également très concernés).
Dans le nord de l’Argentine, ce sont les communautés Wichí, Quom y Mocoví, habitant la province du Chaco, qui sont les plus touchées.
Même si l’urgence est manifeste, il semble que les intérêts économiques continuent pour l’heure de prévaloir…
22:55 Publié dans Economie argentine, Société argentine - questions sociales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : déforestation, argentine, greenpeance, bosques nativos, forêts primaires argentines, chaco, soja, soja ogm, mapuche, communautés indigènes, bosque andino-patagonico | Facebook | | |
29/01/2013
Incidents au Parque Centenario entre la police et des opposants pacifistes
Hier, une protestation pacifique autour du Parque Centenario s’est transformée en confrontation avec la police. Au moins 8 personnes ont ete arretées, et ce, de manière plus que musclée…
Le parque centenario est situé en plein coeur de Buenos Aires, dans le quartier d’Almagro. Le centre du parc qui comporte un petit lac artificial est entouré de grilles qui se ferment tous les soirs. Dans la partie exterieure, non grillagée, les habitants du quartier se reunissent pour boire des mates, faire du sport, participer à des murgas, et les fins de semaine, flaner au milieu des vendeurs ambulants, bien sur non officiels qui vendent un bric à brac leur permettant de gagner 3 sous. C’est un lieu populaire et plein de vie qui donnent l’opportunité à certaines personnes mal loties d’arrondir les fins de mois.
Or le gouvernement de la ville, dirigé par Mauricio Macri, menacait depuis plusieurs mois d’installer de nouvelles grilles pour bloquer l’accès a la partie libre du Parc, à des horaires prédeterminés. Vendeurs et voisinage se sont depuis mobilisés pour lutter contre cette mesure.
Et hier, coup de theatre. A 5h du matin, des employés de la ville sont arrivés pour dresser peu à peu un mur provisoire en tole, tout autour du parc. Aussitot les opposants au projet se sont réunis dans la rue pour protester et ont dans la journée mis à terre la quasi totalité de cette nouvelle séparation.
A 20h, la manifestation se poursuivait pacifiquement tandis que les forces de police (police métropolitaine et forces d’”interventions complexes”) se mettaient en place. Malgré de nombreuses provocations verbales –l’Argentin est un amateur d’insultes-, l’ambiance restait globalement bon enfant. Puis à partir de 22h, des policiers visiblement tendus ont fini par s’en prendre à certains des manifestants. Les arrestations ont été résolument musclées, meme s’il est pour l’heure difficile de dire si des actes de violence ont étéexercés par les forces de police.
Dans un état de nerviosité extreme, les policiers ont une heure apres arreté de nouveaux manifestants, qui ont ete emmenés au Commissariat de Pompeya. L’organisation de défense des droits de l’homme Corripi annoncait sur son site que 8 personnes etaient retenues par les forces de l’ordre.
Suite aux nouvelles arrestations, l’ambiance autour du parc a dégénéré, en particulier du fait de la présence de jeunes, sans lien avec la manifestation, qui ont attaqué les forces policieres avec des bouteilles et des pavés.
Ce nouvel incident impliquant la police argentine ne redorera sans doute pas le blason de ce corps, considéré le plus souvent comme corrompu et violent. Quant à la reputation de Macri, elle est une fois de plus confirmée : ordre et sécurité (brutale...), au détriment du dialogue et des libertés.
06:09 Publié dans Société argentine - questions sociales, Vie quotidienne en Argentine | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : parque centenario, grille, incidents, mauricio macri, policia metropolitana, violences policiéres, argentine | Facebook | | |
24/12/2012
Esprit de Noël, es-tu là ?
Chaude ambiance en Argentine à l’approche des fêtes, et ce n’est pas seulement le mercure qui atteint des records… (50° au soleil ce 24 décembre, oui-oui 50° !).
Une vague de mises à sac dans des supermarchés a commencé ce jeudi à Bariloche, lieu de villégiature très apprécié en Patagonie. Depuis, elle s’est répandue dans la province de Santa Fe et de Buenos Aires, pour la plus grande joie des canaux de télévision « sensationnalistes » qui ne cessent de montrer en boucle des images de cohues cagoulées et armées de pierres s’enfuyant avec des téléviseurs LCD, des ordinateurs et autres appareils électroménagers de première nécessité…
Il faut bien le dire, ces images ont un côté inquiétant ; rapidement des voix ont fait la comparaison entre cet épisode de violence et les mises à sac de 2001, où la population frappée de plein fouet par l’effondrement argentin allait se ravitailler en nourriture dans les supermarchés.
Mais c’est là précisément la différence, si en 2001 c’est de la nourriture qu’on allait s’accaparer, en cette veille de Noël, c’est avant tout de l’électroménager. Voilà qui fleure bon les cadeaux sous le sapin…
Pour de nombreux commentateurs, cette flambée de violence (dont le bilan humain est de 2 morts) vise uniquement à déstabiliser le gouvernement Kirchner ; elle serait l’œuvre de groupes organisés et manipulés à des fins politiques.
Après le 8N, la bataille pas encore gagnée contre Clarin (le 7D n’a pas eu lieu !) et la marche syndicale du 19 décembre, il est en tout cas certain que le gouvernement de CFK traverse des heures difficiles.
Toutefois, ces images dont nous bombardent les journaux télévisés montrent une atmosphère très éloignée de la réalité. Il fallait se promener ce WE dans les rues de Buenos Aires pour voir que les Porteños ne rêvaient que d’une chose, profiter du soleil et des vacances de Noël…
L’esprit de Noël façon hémisphère Sud malgré tout semble bien là.
Photo en haut : Saqueo en Bariloche (La Nacion)
Photo du bas : Recoleta 23 décembre 2012 (Isabelle Laumonier)
22:20 Publié dans Société argentine - questions sociales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : saqueos, vandalisme, mise à sac, argentine, bariloche, 7d, clarin | Facebook | | |
10/11/2012
"Peuples originaires" et convention sociale franco-argentine
>> Deux brèves utiles pour les Français argentinophiles et les Français travaillant en Argentine !
Conférence sur les "Peuples originaires"
Ce mercredi 14 novembre, à 19h30, à la Maison de l'Amérique latine (217 boulevard St Germain, Paris), aura lieu une conférence intitulée "Les Peuples originaires en Argentine : revendications et affirmations identitaires".
Mme Odina Benoist, anthropologue à l'université d'Aix, présentera ce sujet en conférence plénière.
La conférence est organisée par l'Observatoire de l'Argentine contemporaine.
Entrée libre et gratuite en fonction des places disponibles.
Nous aurons prochainement l'occasion dans ce blog de revenir sur la question des Mapuches.
Convention sociale franco-argentine
Une information que nous a transmise une lectrice.
4 ans après sa signature, la convention de Sécurité sociale entre la France et l'Argentine vient d'être officialisée, à travers un décret en portant publication, paru au journal officiel du 25 octobre 2012.
Cette convention bilatérale garantit la conservation des droits acquis en matière de sécurité sociale (pour les personnes passant d'un territoire à l'autre). Les champs couverts sont : la maladie, la maternité, les accidents du travail, ainsi que les prestations de vieillesse, d'invalidité et des survivants.
La convention précise également la situation particulière des expatriés.
> Lire le texte de la convention de sécurité sociale franco-argentine.
21:29 Publié dans Culture argentine, Société argentine - questions sociales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : argentine, peuples originaire, observatoire argentine contemporaine, convention de sécurité sociale franco-aragentine | Facebook | | |
09/11/2012
8N, les Argentins dans la rue
Si le nombre n’était pas au rendez-vous – on parlait d’un million, le chiffre n’a sûrement pas été atteint -, ils ont quand même fait du bruit. Casseroles, sifflets, vuvuzelas, cris et chants étaient de la partie ce soir sur la 9 de Julio. Les différents mouvements anti-Kirchner s’étaient donné rendez-vous en ce 8 novembre à l’Obélisque, lieu stratégique et emblématique de Buenos Aires.
Dans le métro qui conduit vers le « centro », on pouvait déjà repérer les manifestants qui avaient en grande partie respecté un code vestimentaire simple : tous en blanc. Le blanc, image de la pureté, de la vérité et de la paix… Autant de termes qui allaient être sous-jacents dans cette manifestation monstre. Un peu avant 20 h, les environs de l’Obélisque étaient déjà bondés : l’avenue Corrientes, l’avenue Rivadavia et la 9 de Julio coupées à la circulation.
Dans cette foule compacte brandissant des drapeaux argentins, on pouvait voir des gens de tous âges et de toutes classes sociales. Le « pourquoi » de leur présence est resté lui très diffus ; très peu de slogans scandés, si ce n’est : « Argentina, Argentina ! », pas de discours… Le mouvement est avant tout citoyen. Sur les pancartes croisées ici et là, on lit 100 messages variés : contre la corruption, contre l’inflation, contre l’insécurité, contre le clientélisme, contre la vénézuélisation du pays, contre une 2e réélection et le changement de la constitution, pour l’indépendance de la justice, pour le retour des investisseurs étrangers, pour une meilleure répartition des richesses…
Il règne une ambiance très bon enfant, les gens s’amusent et rient, tandis qu’ils marchent en direction de la Casa Rosada ; des centaines de porteños tiennent à bout de bras un drapeau géant qui glisse peu à peu jusqu’à la Plaza de Mayo. Certains ont comme seule pancarte « aca estoy » (je suis là).
Si la manifestation n’a sans doute pas eu l’ampleur attendue, elle a montré une nouvelle fois que le gouvernement Kirchner est très loin de faire l’unanimité. Ce mouvement citoyen prouve que la démocratie argentine est bien vivace ; néanmoins, il ne constitue en rien une opposition solide et structurée, du fait de la multitude de revendications présentes lors de ce rassemblement.
Photos : Isabelle Laumonier
03:40 Publié dans Politique argentine, Société argentine - questions sociales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : 8n, anti-k, corruption, clientélisme, réélection, constitution, kirchner, manifestations | Facebook | | |
04/10/2012
L'Argentine dans les médias européens
Un séjour de 3 semaines en France m’a donné envie de regarder ce que pensait de l’Argentine la presse quotidienne européenne. L’actualité de ce pays lointain, voire « exotique », est-elle bien relayée ? Quels sont les sujets qui retiennent l’attention des journalistes ?
Pas de suspense inutile : l’Argentine est très peu présente dans les médias européens, sauf dans la presse espagnole, qui suit toujours de très près ce qui se passe en Amérique latine.
Au cours des dernières semaines, voici les sujets qui ont été traités dans quelques pays du Vieux Continent.
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- En France…
Le Monde a signalé le rapprochement Argentine-Iran.
« La présidente argentine tend la main aux Iraniens »
Libé est revenu sur le « match » Cristina Kirchner contre Christine Lagarde … La présidente du FMI menace la présidente argentine d’exclure son pays de l’institution internationale, si les statistiques officielles de l’inflation argentine ne sont pas corrigées. Une chose est claire… personne ne croit en les chiffres officiels de l’Indec, mais en attendant Cristina se défend bec et ongles.
« Kirchner au FMI : l’Argentine ne cèdera à aucune menace ».
- En Angleterre…
The Guardian nous parle de culture digitale en Argentine et des attaques de mouettes sur les baleines au large de la péninsule Valdés.
- En Allemagne...
Le très sérieux FAZ nous parle de la Ford Falcon, auto mythique, star des rues argentines ; et sur un ton tout aussi léger, le Süddeutsche Zeitung nous fait découvrir Buenos Aires et ses charmes touristiques.
- En Espagne…
On fait écho à l’actu chaude.
Les manifestations des forces navales et de gendarmerie à Buenos Aires sont ainsi couvertes par El Pais, tout comme le malaise croissant de la classe moyenne.
El Mundo nous parle d’une plainte déposée par Repsol contre YPF pour concurrence déloyale et du match Argentine-Brésil organisé à Resistencia (province du Chaco, Argentine) et annulé, faute d’électricité dans le stade.
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L’Argentine reste globalement une terre lointaine aux problèmes éloignés. Les manifestations récentes de la « préfecture navale » et de la gendarmerie sont peut-être un « simple » mouvement social comme un autre, mais elles devraient être relevées au moins comme le symbole d’une montée progressive de l'hostilité face au gouvernement Kirchner.
Bien que les revendications de ces forces armées soient avant tout salariales (elles réclament un salaire minimum de 7000 pesos ; pour rappel le salaire minimum en Argentine est de 2700 pesos), leur présence dans les rues de Buenos Aires ont amené certains commentateurs à parler de tentative de « coup d’Etat ».
L’Argentine n’a décidément rien de tranquille… Mais l’Europe, déjà bien empêtrée dans ses propres problèmes, ne s’intéresse guère à sa lointaine cousine d’outre-Atlantique.
18:13 Publié dans Economie argentine, Politique argentine, Société argentine - questions sociales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : relations iran-argentine, fmi et argentine, culture digitale argentine, baleines argentine, manifestation forces armées argentine, ypf repsol, salaire minimum argentine | Facebook | | |