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27/03/2016

Il y a 40 ans... la dictature en Argentine

Ce jeudi 24 mars, l'Argentine célébrait un triste anniversaire, celui des 40 ans de la dictature. De 1976 à 1983, une junte militaire gouverna le pays et marqua de la manière la plus sinistre l'histoire argentine. 15 000 fusillés, 30 000 "desaparecidos", 500 bébés enlevés... 

Alors qu'Obama et Macri lançaient symboliquement des fleurs blanches dans le Rio de la Plata au Parque de la Memoria, une foule innombrable se réunissaient dans le Centre pour commémorer le jour de la mémoire et crier une fois de plus "Nunca mas".

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Dia de la Memoria - 24 mars 2016 (photo : Isabelle Laumonier)


40 ans... Presque deux générations se sont écoulées depuis ce jour obscur, où les militaires argentins firent tomber Isabel de Peron dans un coup d'Etat qu'une partie de la population vit arriver avec sympathie.

 

Mais avant la dictature militaire, que se passait-il en Argentine ?

Il faut rappeler que les années précédentes n'avaient pas été très reluisantes. Depuis les années 50, l'Argentine était embourbée dans des conflits politico-économiques, qui ont contribué à l'émergence de groupements de gauche révolutionnaires réclamant à grands cris le retour du général Peron alors exilé. Cette mouvance d'extrême-gauche allait trouver son expression la plus radicale avec la formation des Montoneros en 1970.

Ce groupe dont les valeurs se fondaient sur le marxisme tout autant que le catholicisme de gauche, optait pour la violence pour se faire entendre et conduire à un vrai changement de société. Avec plusieurs séquestrations et meurtres d'anciens politiques argentins, les Montoneros montraient une voie pour le moins radicale. En 1973, l'élection de Campora, puis le retour annoncé de Peron en 1973, semblaient préfigurer l'avénement d'une ère politique engagée dans les bouleversements souhaités par le groupe révolutionnaire.

Mais le massacre d'Ezeiza, le jour-même du retour de Peron, démontra très vite qu'il n'en serait rien. Ce massacre dû à la confrontration entre deux types de péronisme (le péronisme conservateur et le péronisme socialiste) obligea vite les Montoneros à retourner à une clandestinité dont ils avaient pensé sortir.

A partir de la mort de Peron en 1974 et la prise du pouvoir par "Isabelita", la situation du pays continua de se dégrader ; l'apparition de la Triple A (alliance anti-communiste argentine) conduisit à de nombreux meurtres et disparitions de militants de gauche. Ceci préfigurait les drames de la dictature qui allait suivre.

 

Qui étaient les Montoneros ?

Ce groupement compta dans ses rangs quelques-uns des plus brillants et engagés intellectuels argentins. On peut notamment citer le poète Juan Gelman, l'auteur du célébrissime Eternaute Hector Oesterheld, le journaliste d'investigation Rodolfo Walsh, ou encore le journaliste politique Horacio Verbitsky.

 

La dictature militaire argentine, entre politique libérale et répression féroce

Pourquoi le gouvernement militaire eut-il des partisans ? Parce qu'il mit en place un programme économique libéral qui profita à l'élite du pays et devait soi-disant relancer la croissance au bénéfice de tous.

De manière très intéressante, c'est cette politique économique que dénonça le plus Rodolfo Walsh dans sa lettre ouverte à la Junte Militaire (qui le conduisit à la mort) : "C’est dans la politique économique de ce gouvernement qu’il faut chercher non seulement l’explication de vos crimes mais aussi une atrocité plus grande encore : celle de la misère planifiée de millions d’êtres humains. [...] Le spectacle d’une Bourse de Commerce où au cours d’une semaine il a été possible à certains d’augmenter leurs gains de 100 % voire de 200 % sans travailler, où des entreprises ont du jour au lendemain doublé leur capital sans produire davantage, la roue folle de la spéculation en dollars, les titres et les valeurs ajustables, l’usure simple dont l’intérêt se calcule à l’heure, sont des faits bien curieux sous un gouvernement dont la mission déclarée était d’en « finir avec le festin des corrompus".

Il faut bien sûr lire l'intégralité de cette lettre où Rodolfo Walsh dénonce également la torture, les meurtres et les disparitions (consulter la "Carta abierta" en version intégrale en espagnol).

Pour ceux qui ne la connaissent pas, je vous invite également à revoir cet extrait d'une conférence de presse où Videla répond à une question sur les Disparus. Hallucinant...

 

 

 

40 ans se sont écoulés depuis l'arrivée au pouvoir de Videla & Co. 40 ans c'est à la fois beaucoup et très peu : les souvenirs sont encore frais dans la mémoire des militants survivants (qui ont autour de 60 ans aujourd'hui), des familles des disparus qui continuent de réclamer justice et vérité, et des Abuelas de la Plaza de Mayo qui inexorablement continuent de rechercher leurs petits-enfants volés.

 

Voir les Argentins, des plus jeunes aux moins jeunes, marcher en masse ce 24 mars pour dire "Jamais plus", avait plus d'une signification : commémorer un jour funeste et rendre hommage à toutes les victimes de la dictature, mais aussi signaler à Mauricio Macri que les forces vives de la nation étaient loin de baisser les bras après les élections l'ayant conduit à la présidence.

 

 

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Nunca mas - 24 mars 2016 (photo : Isabelle Laumonier)

 

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