02/11/2011
Droit à l'avortement en Argentine : une avancée
Hier, une commission du Congrès argentin a voté en faveur d’un projet de campagne qui crucial pour la vie des femmes : le droit à l’avortement légal, sûr et gratuit (pour les 12 premières semaines de grossesse).
La Commission de législation pénale en approuvant ce projet vient de donner un immense espoir aux ONG qui soutiennent cette initiative… et de soulever l’ire des mouvements « pro-life ».
Il s’agit d’un premier vote qui devra être validé par deux autres commissions. Le résultat définitif ne sera pas connu avant 2012.
> Lire l’article de Pagina 12 sur ce sujet
> Consulter le site de la Campagne pour l’avortement légal, sûr et gratuit
La situation en matière d’avortement en Amérique latine est particulièrement dramatique. Il n’est légal dans aucun pays (exceptions faites de Cuba, Puerto Rico et la ville de Mexico) et il est toléré dans quelques-uns sous des conditions médicales spécifiques (concernant notamment la santé psychique de la femme).
D’après une étude de l’IRD de 2008, qui reprend des estimations de l'Organisation mondiale de la Santé, « environ quatre millions d'avortement à risque, c'est-à-dire dans des conditions d'hygiène et de sécurité insuffisantes, se produisent chaque année en Amérique latine »
Dans certains pays d’Amérique latine, tel que le Chili, le droit à l’avortement qui avait été acquis, a été annulé. Il faut y voir l’influence croissante des Eglises sur le continent latino-américain, en particulier des Evangélistes très actifs et totalement opposés à l’avortement.
> Tableau présentant la situation du droit à l’avortement dans le monde :
http://www.svss-uspda.ch/fr/facts/mondial-liste.htm
> Institut Guttmacher : de très nombreux articles sur les conséquences des avortements illégaux
20:38 Publié dans Société argentine - questions sociales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : aborto, avortement | Facebook | | |
30/10/2011
Grand Buenos Aires : plus de 500 000 personnes vivent dans les villas
L’ONG « Un techo para mi pais » a présenté au début du mois le résultat de ses recherches sur les bidonvilles (« villas ») dans le Grand Buenos Aires. Il en ressort que la conurbation compte aujourd’hui 854 villas où vivent plus de 500 000 personnes.
L’étude a particulièrement attiré l’attention sur le fait que 35% de cet habitat informel se développe dans le lit des fleuves et se retrouve ainsi inondé en cas de pluie, d’où une précarité accrue des populations y vivant.
22% des villas se sont par ailleurs implantées en marge des décharges, d’où elles tirent l’essentiel de leur « survie ».
Consulter le rapport complet d'Un techo para mi Pais
00:48 Publié dans Economie argentine, Société argentine - questions sociales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : villas, bidonvilles, un techo para mi pais | Facebook | | |
20/10/2011
Freud, Lacan, Jung... & l'Argentine
L’Argentine n’est certes pas le berceau de la psychologie et de la psychanalyse, mais elle n’en est pas moins aujourd’hui l’un de ses terreaux les plus féconds. Selon un article de 2010 publié dans la Nación, le pays comptait 50 000 diplômés du cursus de psychologie, dont 38 000 pratiquaient leur métier à Buenos Aires. Preuve de l’importance des « psy » dans la capitale argentine, un des quartiers de la ville, autour de la Plaza Güemes, est surnommé « Villa Freud » ou « Palermo sensible », tant la densité des praticiens y est élevée.
Villa Freud
Par ailleurs, la faculté de psychologie de l’université de Buenos Aires comptabilisait en 2006 le chiffre faramineux de 16 706 étudiants inscrits. L’offre universitaire est à la mesure de la demande : il existe à Buenos Aires plus de facs de psychologie que de sciences dures et sur le territoire argentine, pas moins 150 cursus en psychologie sont dispensés. Ceci n’est pas sans irriter certains, tel que le physicien et philosophe Mario Bunge, auteur de l’article pré-cité paru dans la Nación. Il regrette amèrement l’engouement pour cette discipline qu’il estime si peu rigoureuse.
D’où vient donc cette « passion argentine » ? Pour Bunge, il faut remonter aux années 30, lorsque les kiosques du métro se mirent à vendre pour 3 francs six sous des œuvres de Freud. Selon le physicien, c’est à partir de là que s’abattit sur le pays une « nuit psychanalytique ».
Mais si Freud a tant plu, n’est-ce pas parce que la recherche de soi-même, la volonté de se comprendre font partie des gènes argentins? Pays d’immigrés européens, marqué par la question de l’identité ; pays à l’histoire complexe, instable, plongeant sa population dans l’incertitude quasi-permanente (qu’elle soit économique ou politique), l’Argentine offrait aux disciplines d’analyse de l’esprit un terrain conquis.
L’un des corollaires à l’engouement pour les disciplines « psy » est la place très importante des médecines dites parallèles en Argentine. Le pays est ainsi l’un des pionniers en ce qui concerne l’art-thérapie et la danse-thérapie.
Pour rebondir en conclusion sur les propos très négatifs de Mario Bunge à l’égard des disciplines « psy », il faut admettre que l’Argentine souffre d’un réel déficit en matière de recherche et développement industriel et technologique, ce qui constitue un vrai frein pour son développement économique.
Ne faut-il y voir l’un des effets du goût si prononcé pour l’analyse de l’esprit et la recherche du bient-être ?
Photo : le rayon psy à l'Ateneo
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07/10/2011
Heureux !
Si la situation économique des Argentins n’est en moyenne pas des plus aisées, cela ne les empêche pas de se sentir heureux.
Un sondage réalisé par l’Université de Palermo et Gallup révèle que 84% des Argentins se sentent heureux (dont 32% très heureux).
Toutefois, le bonheur semble affaire de génération… Plus on avance en âge, plus le bonheur recule ! Sur la tranche 18-24 ans, 91% se déclarent heureux. Ce chiffre décline ensuite sur les tranches suivantes pour atteindre sur la tranche 65 ans et plus, 70%, ce qui reste un chiffre élevé (ouf, il n’y a pas de condamnation au malheur !).
Au cours de l’enquête, il a également été demandé au panel interrogé de citer spontanément ce qui les rend en priorité heureux. Grand gagnant : la famille, devant l’amour et la santé. 2% des personnes interrogées ont cité le travail…
A la question inverse, « qu’est-ce qui vous rend malheureux ? », ce sont les « problèmes économiques » qui sont arrivés en tête ; difficile malgré le bonheur d’éluder les questions matérielles !
Les rapporteurs de l’enquête soulignent enfin que le niveau de bonheur a augmenté si l’on observe les chiffres des trois dernières décennies, contredisant ainsi la croyance populaire des temps passés toujours plus beaux, toujours meilleurs !
> Consulter l’enquête : Estudio sobre Felicidad
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Parmi les causes du bonheur des Argentins, semblent manquer dans cette enquête… les animaux domestiques ! Ils doivent pourtant contribuer au bonheur, si l’on observe le nombre d’Argentins ayant une « mascota ». Et le terme de « mascotte » pour désigner leurs animaux domestiques n’est-il pas d’ailleurs significatif à lui seul ?
L’Argentine se retrouve ainsi sur la première marche du podium latino-américain, en ce qui concerne le pourcentage de la population ayant un animal domestique. 78% des Argentins ont une mascota, le chien étant de loin l’animal favori (63%) devant le chat (25%).
Témoignage concret de cet amour canidé, la quantité de promeneurs de chiens que l’on rencontre dans la capitale !
Photo: chat de Buenos Aires
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L’enquête aurait également pu citer le goût des Argentins pour le batifolage, ou au moins pour l’humour noir ! Un site internet italien rapporte ainsi l’énervement de la communauté italienne de Rosario ( à 3h de Buenos Aires), face à l’ouverture récente d’une maison close de luxe, nommée avec un sens de l’à-propos incontestable : Palazzo Berlusconi !
Les facéties scandaleuses du président du conseil italien n’ont pas fini de faire parler d’elles…
photo : capture d'écran du magazine Foreign Policy, sept. 2010
18:41 Publié dans Société argentine - questions sociales | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | | |
06/10/2011
Une vision macro : l’inégalité en Amérique latine
Dans un supplément du dimanche 2 octobre du quotidien Pagina 12, l’économiste argentin Bernardo Kliksberg revient dans un article intitulé « Scandale éthique de notre temps » sur un phénomène qui gangrène l’Amérique latine : l’inégalité.
Il y a en effet dans ce continent une distorsion très importante entre les plus pauvres et les plus riches, ce que mesure le coefficient de Gini. La carte accessible à ce lien traduit en couleur les niveaux de coefficient : plus le coefficient est élevé, plus l’inégalité est importante (couleurs : violette, rose, orange, rouge). On constate que l’Amérique latine présente des niveaux d’inégalité particulièrement élevés (tout comme les Etats-Unis, par ailleurs).
L’une des faces les plus visibles de l’inégalité est la grande pauvreté qui touche une partie non-négligeable de la population sud-américaine. Les statistiques révèlent ainsi que :
- 53 millions de personnes en Amérique latine souffrent de sous-nutrition (sur une population totale d’environ 600 millions), alors même que les caractéristiques géographiques et naturelles du continent devraient lui permettre de nourrir jusqu’à trois fois sa population
- 50 millions de personnes n’ont pas accès à l’eau potable
- Seuls 49% des garçons et 55% des filles terminent le niveau secondaire (au Nicaragua, au Honduras et au Guatemala, seuls 30% des enfants finissent le secondaire)
Il faut toutefois noter que, conscients de l’importance de l’éducation, quelques pays latino-américains ont mis en place des lois, voire des articles dans leur Constitution, pour fixer un budget plancher à l’éducation : le Costa-Rica et l’Argentine se sont ainsi engagés à y consacrer 6% de leur PNB.
Le partage des richesses est bien sûr au cœur des inégalités. D’après les données du professeur Klinksberg, les 10% les plus riches gagnent en moyenne, en Amérique latine, 30 fois plus que les 10% les plus pauvres (la différence va jusqu’à 60, en Colombie). En Norvège, ce coefficient est de 6.
L’inégalité a une autre dimension, celle du genre. Un seul chiffre suffit : les femmes, à niveau de responsabilité égale, gagnent 30% de moins que les hommes. Ce qui n’empêche cependant pas les femmes d’avoir une visibilité publique. Aujourd’hui, 3 pays d’Amérique du Sud sont présidés par des femmes : l’Argentine de Cristina F. Kichner, le Brésil de Dilma Roussef et enfin le Costa-Rica de Laura Chinchilla.
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Focus Argentine
L’inégalité en Argentine s’est particulièrement creusée suite à la crise financière de 2001, qui a plongé
dans la banqueroute un grand nombre de foyers argentins et provoqué une explosion de la pauvreté, visible dans l’apparition des cartoneros ou le développement des « villas » (bidonvilles en plein centre ville : le plus connu, la villa 31, mais voir également la villa de Chacarita). Cependant, l’inégalité était déjà présente auparavant, attribuable à une présence trop faible de l’Etat, aux crises économiques récurrentes, à une société civile souvent mal organisée et ne disposant pas de moyens suffisants pour se faire connaître.
photo:Villa 31
En matière de société civile, la situation a beaucoup évolué, comme en témoigne l’organisation à la Rural (le palais des expos de Buenos Aires) de la manifestation Exposolidaria la semaine passée. Meilleure coordination, meilleure visibilité, la société civile semble désormais prête à jouer un véritable rôle de levier social.
Parmi les raisons qui expliquent le maintien d’un niveau d’inégalité élevé en Argentine, on peut citer :
- une corruption qui reste étendue
- un système judiciaire peu efficace
- un marché du travail, miné par le travail au noir (40% du marché total), d’où une faible couverture sociale.
Il est à noter qu’aujourd’hui le salaire minimum argentin est de 2300 pesos (env.385 euros) en inadéquation, avec les niveaux de prix actuels (à noter cependant que ce salaire minimum a été augmenté en 2011 de 25% pour faire face à l’inflation, et qu’il est aujourd’hui le salaire minimum le plus élevé d’Amérique latine.)
16:35 Publié dans Economie argentine, Société argentine - questions sociales | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | | |
03/10/2011
Microcrédit : le grand inconnu argentin
Il fallait être très attentif à la presse de ces deux dernières semaines pour trouver des échos de la manifestation organisée le 13 septembre dernier par la Banque Provincia, et plus précisément son entité Provincia Microempresas. Pourtant la manifestation était de taille : 10 000 personnes rassemblées au Luna Park (l’équivalent de Bercy ou du Zénith), pour fêter l’octroi du 20 000e microcrédit à une petite entreprise.
La banque n’a pourtant pas lésiné sur l’événement : remise du prix par le gouverneur de la province (Daniel Scioli, soutien de CFK), show de Valéria Lynch (site officiel de la chanteuse, très élégant ;-) etc .
Source photo : Tres lineas
Et si l’on en croit les chiffres et les témoignages, Provincia Microempresas est un beau succès : lancée en 2009, avec 8 succursales, elle en compte aujourd’hui 62, et les clients semblent tous satisfaits. Un comité des clients a même été monté sur facebook (pour l'instant, il se félicite uniquement du spectacle du 13 septembre!)
Il faut préciser que le service de microcrédit proposé par Provincia Microempresas se concentre, comme son nom l’indique sur les entreprises, et n’accorde pas de microprêt à la consommation (ces prêts qui au cours des derniers mois ont provoqué de profonds scandales dans l’univers de la microfinance).
Ce qui est étonnant, c’est que malgré le succès apparent de cette manifestation, la microfinance en Argentine reste un sujet très largement méconnu. Interrogeant les personnes de mon entourage sur leurs connaissances à ce sujet, aucune ne connaissait le terme-même de microfinance.
Doit-on y voir le reflet de :
1° la jeunesse des structures actives en microfinance en Argentine ? La microfinance est bien plus développée dans les pays plus pauvres du continent latino-américain (Bolivie, Pérou, Nicaragua… A noter toutefois que le secteur de la microfinance est très développée au Mexique)
2° la méfiance générale des Argentins à l’égard du secteur bancaire et financier ? La crise de 2001 n’en a pas fini de laisser de traces. Les banques restent considérées la plupart du temps comme des « voleuses ».
Le chemin est donc encore long avant de faire éclore un secteur mature, disposant d’une bonne visibilité, et efficaces dans son appui aux clients.
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Quelques autres acteurs de la microfinance en Argentine :
> Red Argentina de instituciones de microcredito (RADIM)
> PlaNetFinance Argentina
20:40 Publié dans Economie argentine, Société argentine - questions sociales | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | | |