05/10/2015
Du quilombo au Cambalache, l'Argentine dans tous ses états
Nous avions déjà parlé de l'expression très commune en Argentine "que quilombo !", aujourd'hui nous allons parler d'un terme moins utilisé et pourtant tout aussi fameux : cambalache !
Si Carlos Gardel est l’un des noms les plus connus du tango argentin, Cambalache est l’un des tangos les plus célébrés en Argentine. Ce tango, composé en 1934 par Ernesto Santo Discepolo, est considéré comme l’une des meilleures descriptions de l’état d’âme argentin et des dysfonctionnements du pays. Et il faut dire que, près d’un siècle plus tard, les paroles de ce tango restent d’une incroyable actualité !
En voici une version par Julio Sosa :
Cambalache a été la première fois interprétée dans le film “L’âme du bandonéon” (1935). Ce tango a été ensuite repris par les plus grands noms du tango : Gardel, Edmundo Rivero, Roberto Goyeneche… Mais aussi plus récemment par des artistes, tels que Calamaro ou Juan Manuel Serrat.
Le mot “Cambalache” lui-même désigne une sorte de troc de choses ayant peu de valeurs, mais où l’une des parties prenantes cherche toujours à arnaquer l’autre. Il est aussi parfois traduit par bric-à-brac ou encore brocante. Toutefois, l’aspect péjoratif du marchandage, du négoce peu reluisant, est toujours présent.
Le site Toutango.com fournit une très bonne traduction annotée de Cambalache, je vous la transpose ici, et vous invite à consulter tous les commentaires directement sur leur site.
Que le monde ait été et sera une saloperie,
ça, je le sais bien…
(Comme en 506,
et en l’an 2000, aussi)
Et qu’il y a toujours eu des voleurs,
Des machiavels et des escrocs,
des gens heureux et des aigris,
du vrai et du toc…
Mais que le 20° siècle
soit un étalage
de méchanceté insolente,
il n ’y a personne pour le nier.
Nous vivons vautrés
dans la mélasse,
Et tous roulés
dans le même bourbier.
Aujourd’hui, cela revient au même
d’être loyal ou traître,
ignorant, savant ou voleur,
généreux ou fripouille !
Tout est pareil !
Rien ne l’emporte !
C’est la même chose, un âne
ou un grand professeur !
Il n’y a plus de recalés
ni de promotion,
Les gens immoraux
sont à notre niveau.
Si l’un vit dans l’imposture
et l’autre vole par ambition,
c’est pareil que s’il est curé,
matelassier, roi d'opérette,
forte tête ou hors-la-loi !...
Quel manque de respect, quel accroc
à la raison !
N’importe qui est un monsieur !
N’importe qui est un voleur !
Confondus, les Stavisky, Don Bosco
et La Mignon,
Don Chicho et Napoléon,
Carnera et San Martin…
C’est comme dans la vitrine irrespectueuse
des brocantes,
la vie s’est mélangée,
et, blessée par un sabre sans garde,
on voit pleurer la Bible
adossée à un poêle…
Vingtième siècle, brocante
problématique et fébrile ;
celui qui ne pleure pas ne mange pas
et celui qui ne vole pas est un niais !
Vas-y hardiment !
Mais vas-y donc !
Et là-bas, dans la fournaise,
nous allons nous retrouver !
Ne réfléchis pas plus,
fais ton trou,
car cela n’intéresse personne
si tu es né honorable.
Tous sont pareils, celui qui travaille
nuit et jour comme un bœuf,
celui qui vit aux dépens des autres,
celui qui tue, celui qui soigne
ou qui est hors de la loi.
Ce qui transparaît le plus ici, et qui est souvent ressenti en Argentine, c’est le fatalisme face à la malhonnêteté (“Celui qui ne vole pas est un imbécile”). Inutile d’essayer d’être droit, puisqu’à la fin on se fait toujours avoir…
L’Argentine, que de nombreux immigrants considéraient comme un Eldorado, une nouvelle Terre promise, ne serait qu’un autre purgatoire où le beau et le laid se côtoient tant qu’ils finissent par se fondre en un magma informe et sans morale.
Un tableau peu séduisant, mais que de nombreux Argentins voient encore aujourd’hui comme une réalité de leur pays. Les prochaines élections présidentielles changeront-elles ce Cambalache ?
>> Consulter une autre version commentée de Cambalache en espagnol
02:47 Publié dans Culture argentine | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cambalache, tango, musique argentine, julio sosa | Facebook | | |
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