Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

08/08/2014

#114… Guido Montoya Carlotto

Certains événements ont le don de rendre espoir à tout à un peuple… Alors que l’Argentine se retrouve une nouvelle fois dans une situation économique et financière hautement compliquée, l’ « apparition » du petit-fils d’Estela de Carlotto, dirigeante historique des Grands-mères de la Place de Mai, a fait oublier les lendemains incertains en provoquant une véritable émotion collective.

C’est l’occasion de revenir sur un des faits marquants de la dictature militaire dans les années 1970 : les vols de bébés.

Estela Carlotto Grands Mères Place de Mai.jpg

Estela de Carlotto, lors de la conférence de presse
annonçant l'apparition du 114e petit-enfant recherché (
photo AFP)

 


Bébés volés de la dictature, un drame argentin

En tout, on estime que ce sont près de 500 enfants qui sont nés en captivité, avant d’être retirés à leur mère, ensuite assassinée.

Les vols de bébé ont considérablement fait parler d’eux, sans doute pour la charge émotionnelle qu’ils représentent. Ils sont aux côtés des 30 000 disparitions ayant eu lieu entre 1975 et 1982, le témoignage d’une époque funeste pour l’Argentine.

 

laura-CARLOTTO.jpg

 

Le procédé du vol d’enfant développé durant la dictature était particulièrement abject. Lorsqu’une opposante séquestrée se révélait enceinte, elle était maintenue en vie jusqu’à l’accouchement. Aussitôt né, l’enfant lui était confisqué. Le sort de la mère ne faisait alors plus de mystère : elle « disparaissait ».  

On peut se demander quel intérêt avaient les militaires à orchestrer ces vols systématiques de bébés. De fait, cette méthode a très rarement été relevée dans l’histoire des dictatures. Le procès qui s’est tenu en 2012 pour juger Videla et Bignone dans le cadre de ces vols a révélé que les bébés étaient considérés comme de véritables butins de guerre. Lors de ce procès, l’ancien dictateur Videla s’est «défendu » en prétendant que les jeunes opposantes « utilisaient leurs enfants comme boucliers humains ».

La juge pour mineurs Delia Pons, alliée du régime militaire, avait à l’époque émis une opinion odieuse en s’adressant aux parents des disparus : « Je suis convaincue que vos enfants étaient des terroristes, et terroriste est synonyme d’assassinat. Aux assassins, je ne pense pas rendre leurs enfants, parqu’il ne serait pas juste de le faire. Ils n’ont aucun droit à les élever. Je ne vais pas nons plus me prononcer en faveur d’un retour des enfants à vos côtés [aux côtés des grands-parents]. Il est illogique de perturber ces petits qui sont désormais entre les mains de familles décentes qui sauront les éduquer comme n’auraient pas su le faire vos enfants. Ce n’est qu’en passant sur mon cadavre que vous pourrez obtenir la garde de ces enfants. »

Extrait de Herrera, Matilde ; Tenembaum, Ernesto (2007). Identidad despojo y restitución. Buenos Aires: Abuelas de Plaza de Mayo

Attendre les naissances avant de faire disparaître les mères est ainsi devenu en soi une technique de torture. Faire comprendre à la mère pendant plusieurs mois d’enfermement que son enfant sera ensuite confié à une famille proche de la dictature (dans la plupart des cas) et qu’elle sera tuée, c’était en soi une façon de nier deux fois son existence : d’abord en l’assassinant et ensuite, en transformant l’identité de son bébé.

 

La banque nationale de données génétiques

Faut-il encore présenter les grands-mères de la place de mai (las abuelas) ? Elles faisaient initialement partie du mouvement de mères de jeunes opposants disparus, qui ont commencé à défiler dès avril 1977, tous les mardis sur la Plaza de Mayo face au palais présidentiel. La tête couverte d’un foulard blanc, elles protestaient en scandant les noms de leurs fils et filles disparus…. Ces mères le font encore aujourd’hui.

 

Abuelas Plaza de Mayo.jpg

 

C’est en novembre 1977 que le mouvement des grands-mères se structure, autour de 12 fondatrices. Dès le début leur revendication est claire : retrouver leurs petits-enfants nés en captivité ou dans certains cas, enlevés.

Une de leur plus grande réussite, qui permet aujourd’hui de retrouver des enfants volés, est la création de la banque nationale de données génétiques.

En effet, une des difficultés rencontrées par les grands-mères était d’obtenir la preuve non-réfutable de filiation entre elles et un petit-enfant. La seule preuve incontestable venait nécessairement d’analyses génétiques, très peu développées au début des années 1980, d’autant moins pour établir un lien entre un petit-enfant et ses grands-parents. Grâce aux efforts sans relâche des Abuelas, fut créé « l’indice d’abuelidad », qui peut établir avec une certitude de près de 100% le lien de filiation.

Finalement en 1987, la loi 23511 permit la création de la banque nationale de données génétiques, instance nécessaire pour poursuivre la quête des grands-mères. Y sont conservés les profils génétiques de chaque personne appartenant à une famille de personne disparue.

C’est à cet organisme qu’est venu se présenter en juillet dernier, celui qui quelques jours plus allait se révélait être Guido Montoya Carlotto     

 

Abuelas con identitad.png

Couverture du livre "Abuelas con identidad"

 

Les commentaires sont fermés.