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La belle et la dette

cristina Kirchner.jpgCristina Kirchner (photo) doit en rêver : cette dette de 173 milliards de dollars, que l’Argentine doit aussi bien à des entreprises privée, à des organismes internationaux, qu’à des agences du secteur public argentin.

Le lundi 26 septembre, le réveil a dû être un peu plus agité que d’habitude, car les Etats-Unis ont décidé de taper du point sur la table et annoncé qu’à partir de maintenant ils s’opposeraient à tout nouveau prêt accordé à l’Argentine, au sein de la Banque Interaméricaine de développement (BID) et de la Banque Mondiale.

Il faut dire que l’Argentine a un lourd passif derrière elle avec la crise de 2001 qui l’avait mise à terre et rendue incapable d’honorer ses paiements. Mais depuis la situation s'est toutefois améliorée, notamment en ce qui concerne la dette extérieure qui s'est stabilisée à 38% du PNB, contre 71% en 2005 (source). L'agence Standard's & Poors a, mi-septembre, qualifié cette dette de stable.dollars-deuda.jpg

Mais ce que l’on sait moins, c’est que de nombreux litiges perdurent en matière de règlements de dettes: les Etats-Unis ont ainsi fait remarquer que l’Argentine détenait le record des litiges non réglés (18 sur 42) auprès du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI ou ICSID). De plus, elle refuse toujours de régler trois versements auxquels elle a été condamnée  (notamment dans un contentieux qui l'opposait à Vivendi).

Si la posture américaine n’a pas d’impact véritable au niveau de la BID (cette décision prise unilatéralement ne peut entraîner l’arrêt des prêts, dans une institution où l’Argentine détient une participation de 11,18%), mais au niveau de la Banque Mondiale où les pays développés sont bien plus représentés, cette décision pourrait avoir plus de poids.

D’autant plus que l’Argentine a mauvaise presse ces derniers temps auprès des institutions de Bretton Woods. La semaine précédente, le FMI de Christine Lagarde, a de manière publique précisé qu’elle ne pouvait faire confiance aux statistiques économiques transmises par le gouvernement argentin, en particulier en ce qui concerne les chiffres de l'inflation.

Face à cette accusation, le gouvernement argentin avait vite fait de s’emporter contre le FMI et critiquer une nouvelle fois ses prévisions. A un moins à peine des prochaines élections présidentielles, où Crisitina F. Kirchner est donnée largement gagnante, si celle-ci peut défendre son bilan en matière de dettes (de nombreux Argentins la soutiendront sur les questions litigieuses de non-remboursement), l'ombre de l'inflation pourrait-elle, quant à aller, jouer un rôle décisif ?

 

              Banque Mondiale et FMI : deux structures honnies
La Banque Mondiale et le Fonds Monétaire international sont bien connus en Argentine… et surtout bien détestés ! Les plans d’ajustement structurels qu'ils ont imposés dans les années 80-90 ont en effet contribué à une détérioration de la situation économique à travers une politique de privatisations, de dérégulation financière et commerciale, etc. qui ont abouti à la crise dramatique de 2001.

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04/10/2011 | Lien permanent

La CELAC bientôt plus forte que l’UE ?


Le sigle CELAC n’est sans doute pas aussi connu que l’UE… Pourtant se cache derrière une communauté économique dont le pouvoir croît de façon permanente, tiré avant tout par un moteur rugissant : le Brésil. Tandis que l’Union Européenne est fortement ébranlée par la crise internationale, la CELAC peut-elle profiter des faiblesses des puissances occidentales pour renforcer son pouvoir sur la scène internationale et devenir un pôle économique majeur ?

celac.jpgLa CELAC est la communauté des Etats latino-américains et caribéens. Ce groupe a été fondée en février 2010, lors d’une réunion des gouvernants des pays latino-américains, à Playa del Carmen au Mexique. L’objectif principal de la CELAC est d’accélérer l’intégration économique des pays latino-américains et caribéens, mais également de renforcer la coopération politique entre ses différents membres.

CHIFFRE : le commerce interrégional dans la zone CELAC ne représente que 16% des échanges commerciaux des pays de la zone. Autrement, les pays de la CELAC réalisent plus des 4/5e de leur import/ export avec des pays non latino-américains (avant tout avec les Etats-Unis).

Les trois grandes puissances économiques de la CELAC sont le Brésil, le Mexique et l’Argentine ; toutefois sur le terrain politique, d’autres voix se font entendre avec vigueur, c’est notamment le cas de Hugo Chavez (Venezuela) et de Evo Morales (Bolivie).

Le premier sommet de la CELAC s’est tenu les 2 et 3 décembre derniers à Caracas (Venezuela). A l’ordre du jour, un sujet forcément d’actualité : comment la Communauté des Etats latino-américains et caribéens peut-elle affronter la crise économique mondiale ?

En 2010, le taux de croissance moyen sur la zone CELAC était de 4,9%, une performance qui doit faire briller d’envie les yeux européens et nord-américains. Toutefois, si la région résiste bien à la crise économique mondiale, elle doit faire face à une baisse des exportations, et une diminution sensible des flux de capitaux.

C’est pourquoi les gouvernants de la zone ALC ont insisté lors du sommet sur une nécessaire solidarité, permettant de faire front avec plus de poids. Le président colombien, Santos, a pour sa part affirmé : "Ce siècle pourrait être celui de l’Amérique latine si nous jouons bien nos cartes".

Cette opinion a été partagée par Cristina Kirchner pour qui les pays d’Amérique latine ont aujourd’hui « une opportunité historique de [se] convertir en acteurs majeurs du XXIe siècle ».
(Pagina 12, 3 décembre)



  • 1. La CELAC et la crise économique mondiale


Pour certains dirigeants latino-américain, tels qu’Hugo Chavez ou Evo Morales, la crise économique mondiale est le signe patent de l’échec du capitalisme. L’Amérique latine doit ainsi, à leurs yeux, être pionnière dans l’édification d’une nouvelle voie. C’est notamment ce qu’a affirmé le président bolivien : "Il faut asseoir les bases d’un nouveau modèle, le socialisme, le néosocialisme, le “bien vivre”, le socialisme du 21e siècle, peu importe le nom qu’on lui attribue".

Pour pouvoir quoi qu’il en soit affronter la crise, la CELAC compte s’appuyer sur plusieurs dispositifs. Au cours du Sommet de Caracas, les dirigeants des pays latino-américains ont notamment convenu de la mise en place de nouveaux outils au sein de l’UNASUR.

Parmi les mesures à développer pour lutter contre la crise : la création d’un fonds de réserve, la dédollarisation du commerce interrégional, la protection des monnaies victimes d’attaques spéculatives (un sujet qui touche particulièrement le peso argentin).

De plus, le projet de Banco del Sur a été remis à l’ordre du jour. La Banque du Sud est une banque régionale de développement portée sur les fonds baptismaux en 2007, mais jamais mise en œuvre de manière effective. Les pays à l’intiative du projet sont l’Argentine, la Bolivie, le Venezuela et l’Equateur. Si l’Uruguay apportait prochainement son appui financier comme cela a été évoqué à Caracas, la Banque du Sud pourrait enfin devenir réalité.
 
Nota bene : la Banque du Sud se veut une alternative au FMI et à la Banque Interaméricaine de développement (BID), qui représentent pour les pays fondateurs de Banco del Sur, les bras financiers du capitalisme international dans la région.

Enfin, à l’occasion du sommet de la CELAC, Dilma Roussef, présidente du Brésil et Cristina Kirchner ont annoncé la création du Mécanisme d’Intégration Productif (MIP), dont l’objectif est d’approfondir les relations commerciales entre les deux pays. L’ambassadeur argentin au Brésil soulignait ainsi : "Quand le Brésil croît, l’Argentine croît" (Pagina 12, 3 décembre)


  • 2. Les sujets politiques évoqués lors du sommet de la CELAC


Plusieurs sujets sensibles ayant trait à la coopération d’ordre politique ont été également évoqués à Caracas :

-    CFK est revenue sur le sujet des îles Malouines (Malvinas), qu’elle a présentées comme "dernière enclave coloniale du monde". Le conflit diplomatique entre Argentine et Royaume-Uni autour des Malouines/ Falklands ne semble pas prêt de s’achever. Cristina Kirchner est soutenu par la CELAC dans ses revendications. Un incident diplomatique entre Uruguay et Royaume-Uni au sujet des Iles Malouines vient d'ailleurs d'avoir lieu, l'Uruguay refusant que des bateaux de pavillon "Falklands" entrent dans ses ports.

-    La lutte contre le narcotrafic a également tenu le haut de l’affiche, sujet qui tient particulièrement à cœur à Santos, le président colombien.

-    Le très délicat dossier de l’accès de la Bolivie à la mer, dossier porté à bout de bras par Evo Morales, président bolivien, qui compte bien se faire entendre par son homologue chilien, Sebastian Piñera. Pour rappel, la Bolivie a perdu son accès à la mer en 1883, suite à la Guerre du Pacifique qui l’opposa au Chili. Un traité d’amitié de 1904 validait de manière définitive les nouvelles frontières péruviennes et chiliennes. Le Pérou, allié à la Bolivie perdit également une partie de son territoire lors de cette guerre.


Avec la naissance de la CELAC, les pays d’Amérique latine et Caraïbe marquent leur volonté de ne plus dépendre des Etats-Unis, comme c'était le cas au sein de l'Organisation des Etats Américains (OEA). 

Reste à voir si ce nouvel organisme va peu à peu s'imposer sur la scène mondiale ou se transformer en coquille vide.

**

 

Quelques données économiques de la CELAC
population : environ 600 millions d’habitants
taux de croissance du PIB en 2010 : 4,9 %
taux de pauvreté : 32 %



Pour plus d'infos :
> Le monde : L'Amérique latine sans tutelles
> RFI : Naissance de la CELAC
> Un site très complet d’informations (en français) sur les pays de l’UNASUR : http://www.unasur.fr/

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19/12/2011 | Lien permanent

Puerto Madero, la folie Menem

Un samedi, une flânerie tranquille le long des bassins de Puerto Madero. Les touristes et les Porteños (beaucoup de sportifs en rollers !) sont au rendez-vous. À la tombée de la nuit, bars et restaurants commencent à s’animer ; les flashs crépitent autour du Puente de la Mujer, de la frégate Sarmiento et des immeubles dignes du skyline new-yorkais.

Difficile d’imaginer aujourd’hui la polémique provoquée par la construction de Puerto Madero dans les années 90. Retour sur le projet pharaonique d’un président aujourd’hui honni.

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Carlos Menem, le symbole d’Argentine des 90’s

Carlos Menem est élu président de l’Argentine en 1989. Ce péroniste arrive au pouvoir alors que le pays vient de traverser une grave crise d’hyperinflation. Sous son mandat, tout change : il mène une politique libérale, marqué par des privatisations à tour de bras et surtout par l’équivalence peso / dollar.

Cette dollarisation de l’économie se produit en 1992 : concrètement, elle signifie qu’ 1 peso argentin vaut autant qu’1 dollar américain. Pour les 7 années de gouvernement Menem qui suivent, cette décision monétaire va conduire à une vraie mégalomanie de la part du président. L’Argentine, soudain propulsée au rang de pays riches, entame des projets somptuaires, dont Puerto Madero est sans aucun doute la meilleure illustration.

 

Puerto Madero, le port qui avait tout faux…

C’est à la fin du 19e siècle qu’est décidée l’implantation d’un tout nouveau port derrière la Casa Rosada. Le projet confié à Eduardo Madero est cependant un échec total. En 1898, lorsque le projet portuaire s’achève, la capacité des bateaux a déjà considérablement augmenté, et Puerto Madero n’est pas apte à leur offrir l’ancre… Dès lors, le quartier de Puerto Madero entame sa traversée du désert. Abandonné, ce port orphelin se transforme en véritable no man’s land, et ceci à deux pas du palais présidentiel.

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Photo du site puertomadero.com

 

La résurrection sous Menem… à quel prix !

Mais c’était sans compter sur Menem. Alors que le pays est pleines réformes libérales, il fonde une société dont le but est de créer un tout nouveau quartier sur les ruines de l’ancien port. Il vend peu à peu les parcelles à des investisseurs privés, et bientôt c’est la naissance du 47e barrio de Buenos Aires.

Entre 1993 et 1998, le projet attire les investisseurs privés à hauteur de 2 milliards de pesos (soit 2 milliards de dollars !). Menem veut faire de Puerto Madero le symbole de la nouvelle Argentine : riche, douée des meilleurs architectes et ingénieurs, moderne et prête à défier le monde.

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La polémique Puerto Madero

Mais le projet a depuis le début de très nombreux détracteurs. Non seulement, il consacre la politique ultra-libérale du président avec des terrains publics vendus à de très riches investisseurs privés, mais il soulève aussi de nombreuses questions d’urbanisation : quid des transports publics pour arriver à Puerto Madero ? quid de la fameuse ouverture sur le fleuve ? (Buenos Aires cherche à échapper à sa fameuse réputation de ville qui tourne le dos au fleuve) Quid des habitations à Puerto Madero ? (qui allait donc pouvoir se payer le luxe de vivre dans ce nouveau barrio 5 estrellas).

À l’inauguration officielle de Puerto Madero en 1998, il est difficile de savoir ce que le quartier deviendra…

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Et aujourd’hui Puerto Madero, c’est quoi ?

Côté population, c’est le flop ! Trop cher, pas assez connecté, Puerto Madero peine à se trouver des habitants… En 2012, la direction des statistiques de Buenos Aires estimait à un peu plus de 6 700 les habitants du quartier, loin de 15 000 escomptés lors de la création du quartier.

Côté business, le quartier cependant continue de prospérer : les tours continuent d’être construites (mais pour qui donc ? Certains disent que les investisseurs de Puerto Madero lavent de l’argent sale…) ; et la clientèle d’affaires y prend ses habitudes.

Quant aux touristes et aux Porteños, ils apprécient cet îlot de paix pour leur week-end. Le musée Fortabat, tout comme la frégate Sarmiento reçoivent de nombreux visiteurs, et les bars et restos, malgré leurs prix élevés affichent encore complets. Quant aux hôtels 5 étoiles, ils fleurissent et font toujours parler d’eux…

On vous parlera bientôt dans les Chroniques du Faena, dont l’histoire est tout aussi intéressante que celle de Puerto Madero !

 

 

Photos de l'article (sauf spécifié) : © Isabelle Laumonier

 

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Bienvenue à Epecuen, la ville ressurgie des eaux

Amateurs de tourisme « alternatif », cette destination argentine est faite pour vous ! Située à quelque 500 kilomètres au sud-ouest de Buenos Aires, au bord du Lac éponyme, Epecuen a connu un bien étrange destin

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Pendant 60 ans, Epecuen se l’est coulée douce

La ville fut créée en 1920 et bénéficia d’une part, de la particularité des eaux du lac, présentant un taux de salinité considérable (10 fois supérieur à celui de la mer) et favorisant ainsi le développement d’un tourisme thermal à ses abords, et d’autre part du développement des chemins de fer. Desservie par la ligne « Ferrocaril Oeste », Epecuen se convertit peu à peu en lieu de villégiature populaire, attirant les Porteños souhaitant profiter des bienfaits et du cadre agréable de cette bourgade en bordure de lac.

Entre les années 50 et 70, près de 25 000 touristes se rendaient chaque été à Epecuen où les infrastructures touristiques s’étaient développées.

 

Et pourtant… À peine née, condamnée !

Si bien sûr, c’est la proximité du lac qui fit le succès d’Epecuen, c’est lui aussi qui en signa la fin. Le lac d’une superficie de 160 m2 fait partie d’y complexe système lacustre appelé « Encadenadas del Oeste », 6 lacs et lagunes qui s’ « enchaînent » au fond d’une cuvette. Dès le 19e siècle, on constata que pendant les époques sèches le niveau des lacs, en particulier de l’Epecuen, baissait considérablement. Pour résoudre ce problème, il fut décidé de canaliser une rivière située dans la même zone géographique, pour permettre la circulation de l’eau d’un lac à l’autre par un effet de vases communicants.

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Le lac Epecuen figurant tout au bout de la chaîne, il a toujours été sujet à de relativement importantes variations de niveaux, ce qui expliqua la construction d’une digue de protection dans la jeune bourgade d’Epecuen.

Puis en 1979, la construction d’un nouveau canal collecteur plus important fut décidée. Faute de moyens et d’entretien, ce canal allait signer la mort d’Epecuen. En effet, dès le début des années 80, les habitants constatèrent que les inondations se multipliaient en cas de fortes pluies… jusqu’à ce qu’en 1985, suite a une période de très fortes intempéries dans la Province de Buenos Aires, la digue de la ville cède provoquant un envahissement progressif des rues par les eaux.

Epecuen coucher du soleil.jpg

 

Tous les habitants de la ville avaient alors fui, ayant anticipé le drame à venir. Commença alors pour Epecuen une lente plongée sous-marine qui culmina en 1993, année où la ville se retrouva a 10 mètres sous la surface du lac.

 

L’Atlantide inversée

Mais c’était sans compter sur les alternances climatiques de la région. Au cours des 15 dernières années, un niveau moyen de précipitations annuelles beaucoup plus bas, contribua peu à peu à la baisse du niveau des eaux dans les Encadenadas del Oeste. Et dès 2009, Epecuen commença doucement à ressurgir des eaux pour faire découvrir un spectacle étrange et inquiétant de maisons en ruines, d’arbres pétrifiés, de rouille… et d’os, puisque suite à l’inondation du cimetière de Carhue situé à quelques encablures d’Epecuen, des cranes se sont retrouvés exposes, catacombes a l’air libre.

Epecuen auto abandonnee.jpg

 

L’extrême salinisation de l’eau a contribué à l’effondrement des maisons et à la mort de toutes les espèces végétales précédemment englouties.

Aujourd’hui Epecuen se visite comme une rareté, un cabinet de curiosités et devient un décor formidable pour les directeurs de la photo cherchant des cadres insolites. Difficile d’imaginer que 40 ans plus tôt, les rues bruissaient encore des rires des estivants.

 

Dans cet article que j’ai posté en 2012, intitulé « Une vision française de l’Argentine en 1937 », j’ai intégré une petite photo du réseau ferré argentin en 1937. Les chemins de fer connaissaient leur âge d’or et avaient permis le développement de nouvelles destinations touristiques.

 

Photos de l’article : Juan Mabromata (AFP)

Reportage de Viajes Ocultos

Photos de Villa Epecuen sur Tumblr

 

En 2014, la ville a été utilisée comme décor pour le tournage d'un court-métrage sponsorisé par RedBull avec le VTTiste Danny MacAskill. A voir !! Y témoigne Pablo Nowak, le seul habitant d'Epecuen à y être revenu. 

 

 

 

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15/11/2014 | Lien permanent

L'Argentine et Monsanto : amour, haine et gros sous

Difficile de parler de manière neutre de Monsanto, cette multinationale combien de fois montrée du doigt, accusée, vilipendée… Cette «  diabolisation » ne sort toutefois pas de quelques esprits échauffés, mais de faits bien réels. Marie-Monique Robin avait été précurseur avec son documentaire « Le monde selon Monsanto » ; aujourd’hui penchons-nous sur Monsanto en Argentine, à l’occasion d’un article édifiant publié par le Concord Monitor (et traduit en français par Novopress).

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En substance, l’article détaille les innombrables problèmes de santé recensés dans deux provinces argentines, où sont utilisés les pesticides Monsanto sans contrôle aucun semble-t-il.

Que ce soit à Entre Rios ou au Chaco, les journalistes qui ont mené l’enquête ont interviewé et photographié des familles et des associations qui luttent inlassablement pour que soient reconnus les effets dramatiques des pesticides.

« Dans la province de Santa Fé, Coeur de l’industrie du soja, les taux de cancer sont 2 à 4 fois plus élevés que la moyenne nationale. Dans le Chaco, la province la plus pauvre du pays, les enfants ont 4 fois plus de risques de naître avec des troubles congénitaux dévastateurs ».

Monsanto a bien sûr nié les faits reprochés dans l’enquête.

Quoi qu’il en soit, on peut se demander comment il est possible de lutter contre Monsanto, dans un pays où les OGM sont autant répandus… et représentent surtout des ressources financières colossales ?


Monsanto et son image institutionnelle

Si l’on regarde le film institutionnel de Monsanto, on est frappé par la clarté du discours (la manipulation des cerveaux ?). Intitulée en espagnol « Monsanto Sustentable », la vidéo montre une mère nature généreuse (« home ») et verdoyante ; « on respire l’air, on sent la planète bouger avec nous »… Mais bien sûr, cette image presque édénique est troublée par quelques faits incontournables :

  • La population croissante et ses besoins alimentaires
  • Les pays « sous-développés » où la famine est encore un lieu commun.

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Alors bien sûr, il n’y a qu’une solution : Monsanto, qui avec ses innovations agricoles, permet de « protéger et préserver notre planète », tout en améliorant le quotidien de millions d’êtres humains. Une bien belle mission…

 

Monsanto en Argentine

La firme de Saint-Louis est installée depuis 1956 en Argentine ; elle avait alors une usine de plastique à Zarate, dans la province de Buenos Aires. Dans les décennies qui ont suivi, Monsanto s’est spécialisée dans la biochimie et a peu à peu développé des engrais et semences que les agriculteurs se sont arrachés.

Dans une infographie animée créée pour le marché argentin (Compromiso Monsanto Argentina), on retrouve la même mécanique démonstrative imparable.

+ d’humains > + de nourriture > nécessité d’une production plus optimale

Ce qui passe forcément par la « domestication et l’amélioration des espèces ». Au passage, Monsanto promet que grâce à ses innovations, on peut réduire l’utilisation des produits agrochimiques… un comble.

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Cette infographie donne d’ailleurs quelques données intéressantes sur la poussée phénoménale des OGM : en 1996, 1, 7 million d’hectares étaient plantés avec des OGM dans le monde ; en 2011, on estimait que les cultures d’OGM occupaient 160 millions d’hectares.

Là où Monsanto fait mouche, c’est bien sûr sur l’impact économique que peuvent avoir les OGM dans le pays : en 2010, les bénéfices économiques de l’agriculture en Argentine s’élèvent ainsi à  148 milliards de $, soit 56% des devises et 33 % du PIB.

Soja, maïs, coton, viandes, etc… le poids des matières premières agricoles est trop important dans la balance commerciale Argentine, pour que l’on renonce facilement à des produits chimiques qui permettent d’augmenter de manière considérable les rendements.

Impossible d’aller au choc frontal, quand des enjeux aussi colossaux sont dans la balance.


L’opposition à Monsanto en Argentine

C’est un petit détail, mais il vaut la peine d’être souligné. Sur toutes les vidéos YouTube de Monsanto (pour quelque pays que ce soit), les commentaires sont désactivés. Pas folle, la mouche… Mieux vaut éviter les agressions publiques marquées dans le marbre du Net.

De la même manière, la rubrique presse du site argentin de Monsanto ne relaie quasiment que des bonnes nouvelles, et jamais les procès et actions qui sont intentés contre ses activités. À une exception près : ce 6 novembre 2013, Monsanto a publié un communiqué de presse intitulé « No a la violencia », dans lequel elle condamne fermement l’irruption « sauvage » de quelques militants dans une salle de faculté, où des salariés donnaient une conférence sur ses activités. Il faut voir la vidéo pour comprendre l’aspect ridicule de la plainte…

Cette « manifestation » locale rappelle qu’en Argentine, ils sont nombreux les membres de la société civile qui cherchent à éveiller les consciences et susciter des débats de fond sur les OGM, les pesticides, etc.

 

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Sofia Gatica - Photo du site El cientifico Juan

Sofia Gatica est une des figures de ce mouvement. Touchée personnellement par un drame attribué au pesticide (la mort de son nouveau-né), elle s’est engagée inlassablement contre les pratiques d’épandage « sans foi ni loi » des produits agrotoxiques. Avec son collectif, les Mères d’Ituzaingo, elle est parvenue à obtenir un premier jugement historique en 2012 : un agriculteur et un pilote ont ainsi été reconnus coupables de « pollution environnementale frauduleuse ».

Distinguée par un prestigieux américain, le Goldman Prize, Sofia Gatica continue son combat contre les produits agrochimiques… et leurs producteurs multimilliardaires, dont Monsanto est l’exemple le plus significatif.

Après l’application de l’interdiction (depuis juillet 2013) de l’endosulfan, un pesticide dont les effets néfastes ont été reconnus au niveau mondial, les Mères d’Ituzaingo espèrent désormais pouvoir obtenir une interdiction des glysophates.

 


… Monsanto a aussi ses défenseurs : ne parlons pas des exploitants agricoles (à qui profite le « crime »…), mais plutôt des salariés. En novembre 2012, Monsanto a reçu le titre de la 3e entreprise où il fait « bon travailler » en Argentine. Plus étonnant encore, Monsanto arrive 6e en 2013 du classement des entreprises de rêve où les jeunes veulent travailler

 

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Source : Compania de Talentos


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Les Qopiwini auront-ils gain de cause ?

Ils sont là depuis déjà 6 mois dans leurs tentes de fortune. Ils occupent un point stratégique de la ville, l’intersection Avenida de Mayo et 9 de Julio ; meilleure visibilité ils pourraient difficilement avoir. Qui sont-« ils » ? Ce sont les représentants des communautés indigènes de Formosa,  Qom, Pilagá, Wichi et Nivacle, réunies dans l’organisation « Qopiwini ».

A une semaine de la journée de la diversité (jour férié célébré le 12 octobre), et quelques jours après leur dernier feu de camp ayant bloqué la 9 de Julio, voici quelques clés pour comprendre leurs revendications et les problèmes auxquels ces communautés indigènes du Nord de l’Argentine sont confrontées.

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Campement Qopiwini, 9 de Julio

Photo : Isabelle Laumonier

 

Les revendications de Qom, Pilaga, Wichi et Nivacle à Formosa

La situation des communautés « Qopiwini » dans cette province méconnue de l’Argentine est depuis 2010 particulièrement critique. A partir de cette date, ont commencé à éclater des heurts réguliers avec les forces de l’ordre, suite à des expropriations considérées comme illégitimes par les Qoms et autres communautés locales. Pour ceux-ci, les terres sont en effet celles de leurs ancêtres et la propriété leur revient donc de droit, mais bien évidemment les potentats locaux ne voient pas cela du même œil ! Toute terre expropriée signifie des hectares en plus pour la culture du soja

En l’espace de 5 ans, du fait des violences policières, près de 12 membres de la communauté « La Primavera » (qui regroupe les Qoms, Pilas, Wichi et Nivacale) ont été tués. Le premier fut le Quom Roberto Lopez en novembre 2010 et le dernier en date l’adolescent de 17 ans, Esteban Medina, retrouvé mort en janvier 2015.

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Source photo

 

Les revendications de La Primavera concernent aujourd’hui :

-ce droit sans cesse clamé à la propriété (et restitution) de leurs terres. Ce droit se fonde l’article 75° 17 de la Constitution Nationale, qui « reconnaît la préexistence ethnique et culturel des peuples indigènes argentins […] et la possession et propriété communautaires des terres qu’ils occupent traditionnellement »

-justice et vérité pour les personnes assassinées

-l’abandon des poursuites engagées contre le cacique Qom Felix Diaz

 

Cristina Kirchner, la grande absente 

Afin de se faire entendre et de voir leurs droits respecter, la communauté Primavera s’est regroupée au sein de l’organisation Qopiwini, qui a installé ses tentes en plein cœur de Capital Federal. L’objectif final : parvenir à se faire recevoir par Cristina Kirchner et son gouvernement, pour pouvoir trouver des solutions au conflit… 

Mais voilà que 6 mois sont passés, qu’aucune porte de la Casa Rosada ne s’est ouverte… et que les élections présidentielles ne sont plus que dans 3 semaines. Autrement dit, la possibilité d’une réception par le chef de l’Etat relèverait désormais presque du miracle… Le cri de ralliement « Presidenta, no se vaya sin recibirnos » va semble-t-il rester lettre morte.

 

 

La non-application des lois, un problème majeur pour les communautés indigènes argentines

De fait, La Primavera a pourtant la loi de son côté. 

Elle dénonce ainsi la non-application des lois internationales suivantes :

  • La déclaration des Nations Unies sur les Droits indigènes
  • Les instruments juridiques et la jurisprudence du Système inter-américain de l’OEA
  • La Convention américaine des droits humains (art 75. 22)
  • etc.

Ainsi que des lois argentines suivantes :

  • Les constitutions provinciales argentines + constitution nationale
  • La loi des Forêts  (> que nous avions déjà mentionnée dans un article sur la forêt primaire en Argentine)
  • La loi des Glaciers
  • La Loi Générale de l’Environnement

 

>> Consulter la liste complète des lois non-appliquées sur le site de la « Résistance Qom » (article reprenant la Déclaration du Sommet des Peuples Indigènes). Ces revendications rejoignent ainsi celles des Mapuche, que nous avions déjà évoquées ici.

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Formosa, une province pauvre, où tout semble permis

L’un des problèmes majeurs de ces communautés s’explique par la géographie… Comme la plupart des provinces éloignées de Buenos Aires et peu peuplées, la province de Formosa se trouve entre les mains d’une élite politique et économique qui dirige le gouvernement local comme bon lui semble… et surtout de manière à en récupérer le plus de pouvoir et d’argent possible. 

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Formosa se situe à la frontière avec le Paraguay. Selon les projections de l’INDEC, elle compte en 2015, 579 000 habitants.

 

Le gouverneur en place Gildo Insfrán (aujourd’hui considéré comme ultra Kirchnériste « ultra K ») a été élu gouverneur pour la première fois en 1995… 20 ans d’un règne que rien ne semble pouvoir arrêter. Partisan de Menem pendant les années 90, puis de la Rua, puis de Kirchner, voilà un politique qui paraît indéboulonnable. 

Selon le journal « La vaca », Insfran serait à la tête d’un système féodal. Il contrôle tous les médias, et lutte inlassablement contre les peuples originaires pour étendre l’économie du soja. Parmi ces autres faits d’arme, il placerait au sein de la cour provincial (de justice) d’anciens fonctionnaires de la dictature.

En mars 2015, « La Izquierda diario » a fait part d’un  vaste scandale d’espionnage illégal orchestré par le gouverneur et révélé par l’UCR (parti radical). Principalement visé par cet espionnage : les communautés indigènes, des journalistes et des politiques du parti radical.

 

Alors qu’une vaste campagne de promotion touristique vante depuis plusieurs mois les beautés de « Formosa Hermosa »*, ce sont surtout opacité, violence et corruption qui semblent le mieux caractériser le gouvernement de la Province.

 

*sur ce site dédié à la promotion touristique, une des dernières « actus » visibles en date d’octobre 2014, annonce l’implantation d’une usine de purification de l’uranium… Encore un business juteux à mettre au compte du gouverneur ?  

 

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07/10/2015 | Lien permanent

Les villas à Buenos Aires

Voici déjà une semaine que plusieurs familles se sont installées sur un terrain inoccupé en plein cœur de Villa Lugano, l’un des quartiers de Buenos Aires. Ce terrain est contigu à la Villa 20, dont l’expansion depuis plus de 10 ans est à l’image de la situation des villas à Buenos Aires : incontrôlée.

Ce que l’on désigne comme villa (aussi appelée villa miseria ou villa de emergencia) correspond à une favela au Brésil : des quartiers où viennent s’installer des familles pauvres ou précaires. D’installations temporaires, les villas sont vite devenues des quartiers pérennes à part entière. Les enjeux liés aux villas sont multiples : urbanisation, inclusion sociale, délinquance, rôle de l’État… Et les réponses sont jusqu’à présent très limitées !

Bande-annonce « Villa del Sueño » (sur la villa 31) – Film pas encore sorti

Une brève histoire des villas de Buenos Aires

L’histoire des villas à Buenos Aires est inextricablement liée à l’histoire des migrations en Argentine, ainsi qu’à l’histoire des travailleurs précaires. À la fin du XIXe siècle, quand les grandes migrations vers l’Argentine commencent, les gouvernants argentins s’imaginent que la population va se répartir de manière plus ou moins uniforme dans le pays et occuper peu à peu le riche territoire. Erreur… la plupart des migrants trouvent à Buenos Aires un pôle économique prospère, et s’y installent durablement. La population de Porteños commence alors une croissance qui ne cessera jamais.

Si au tournant du XXe siècle, les nouvelles populations de migrants parviennent avec un certain succès à se faire une place dans la société argentine, - dans les années 20, l’Argentine compte la classe moyenne la plus importante d’Amérique latine-, peu à peu les afflux d’habitants commencent à être gérés avec difficultés.

Ciudad oculta, une des villas les plus connues de Buenos Aires, a été créée en 1937, elle regroupait des cheminots, des employés du marché aux bestiaux (mercado de Hacienda de Matadero), et des ouvriers des entreprises frigorifiques voisines.

La villa 31, la villa plus visible de Buenos Aires, puisque située au pied des gares routières et ferroviaires de Retiro, du port de Buenos Aires et à deux pas de Recoleta et du Microcentro, est elle apparue dans les années 40, à l’initiative de Perón. Elle a d’abord permis d’héberger des migrants européens sans ressources (elle a été longtemps nommée « Barrio inmigrantes ») puis des ouvriers des chemins de fer et du port.

À la même époque, naît dans le quartier de Barracas la villa 21-24.

Peu après, c’est dans le quartier de Bajo Flores que des terrains commencent à être occupés illégalement, aboutissant à la naissance de la villa 1-11-14.

Villa 21-24.jpg
Villa de Buenos Aires : source Diarioz

 

Ces 4 villas « historiques » ne font qu’initier un mouvement de fond. Sur toute la 2e moitié du XXe siècle, les villas se développent, sans qu’aucun gouvernement ne parvienne à apporter une solution. La crise de 2001 joue ensuite un nouveau rôle d’accélérateur dans le développement de ces quartiers précaires.

 

Les villas miseria de Buenos Aires en chiffres

À l’heure actuelle, on compte à Buenos Aires (Capital Federal) 15 villas et 24 « colonies » (asentamientos), qui hébergent selon la direction des statistiques de ville 163 000 habitants (donnée 2010), soit près de 7% de la population totale de Capital Federal.

Les études estiment que le nombre d’habitants des villas a augmenté de plus de 50% depuis 2001.

Les trois plus grandes villas de Buenos Aires (la 21-24, la 1-11-14 et la 31) comptent respectivement 45 000, 40 000 et 26 000 habitants.

Dans le Grand Buenos Aires (banlieues incluses), près de 500 000 personnes vivraient dans des « villas de emergencia ».

Une étude très complète faite en  2013 par l’ONG Techo affirme quant à elle que plus de 73 000 familles vivent dans les villas de Buenos Aires (CF)… autrement dit, le chiffre de 163 000 habitants serait très nettement sous-estimé. Cette étude est une mine d’informations sur les villas à Buenos Aires et dans toute l’Argentine. À consulter pour ceux qui veulent en savoir plus !

Les enjeux de planification urbaine, logement social et programme de subventions

On l’aura compris, la planification urbaine et les programmes de logements sociaux n’ont jamais été le fort des gouvernements nationaux et locaux. Aujourd’hui encore, comme le montre l’actualité liée à la villa 21-24, aucun pouvoir en place en Argentine ne gère correctement la question de l’habitat informel.

Quand Cristina Kirchner se félicite dans son discours d’inauguration des sessions ordinaires du parlement de l’augmentation de l’inclusion sociale en Argentine, on peut s’interroger par ce qu’elle entend réellement comme inclusion sociale. De fait, au cours des dernières années, le seul programme de grande ampleur mis en place pour les populations des villas a été un programme de subventions.

Dans un article intéressant, l’avocat spécialiste des villas, Diego Kravetz souligne que dans de nombreux cas, les subventions sont désormais considérées comme une « forme de vie normale ». Et de renchérir : « Si le progressisme, c’est de permettre que des familles qui sont dans une situation très difficile occupent des espaces verts pour continuer à vivre dans la précarité, nous sommes tous très mal. Et si en plus l’État les “récompense” pour ça, nous sommes dans une situation encore bien pire ». Pour tempérer cette opinion, il faut cependant rappeler qu’un certain nombre de personnes vivant dans les villas ont cependant un travail, mais quasi systématiquement au noir, avec des niveaux de salaires très bas.

Au final, les programmes de subvention ne sont-ils pas une sorte de caution pour le gouvernement, qui de la sorte, non seulement gagne un électorat, mais s’épargne une réflexion globale sur la question du logement social. Certes, des programmes comme Pro.cre.ar prévoient bien la construction de nouveaux logements, mais en quantité très insuffisante… Jamais la question des villas n’est réellement prise à bras le corps.

Accès à l’électricité, au gaz, à l'eau, au tout-à-l’égout… les habitants des villas deviennent des as de la débrouille, en se raccordant le plus souvent aux réseaux existants ; mais il s’agit bien évidemment de solutions très précaires. Des décisions politiques pour résoudre ces questions sont évidemment attendues, et jusqu’à présent jamais données. Le de facto semble satisfaire le pouvoir.

Eau droit humain.jpg
Source : Blog El agua vale + quel el oro

Insécurité et narcotrafic dans les villas

Il ne viendrait pas à l’idée de grand-monde d’aller se promener dans une villa. Il est communément admis qu’il s’agit de zones de non-droit, où toute personne extérieure risque de se faire dépouiller, en moins de temps qu’il ne faut pour dire « vite, fuyons ».

Cette image est probablement un peu exagérée. Dans un premier temps, encore une fois rappelons que les familles qui y vivent ont généralement un travail. Cependant, il est vrai qu’il est peu recommandé d’aller seul dans une villa et qu’il vaut mieux y aller accompagné d’un habitant ou d’une organisation y travaillant.

La précarité, l’absence d’éducation, la présence de véritables gangs dans certains de ces quartiers engendrent également une délinquance importante, qui se traduit notamment par de nombreux vols, voire une véritable criminalité organisée.

Autre problème d’insécurité : le narcotrafic et la consommation de drogues dans les villas.  

Le paco est un véritable fléau dans ces « quartiers d’urgence ». Le paco est une drogue de très faible qualité et très bon marché fabriquée à base de cocaïne et proche du crack. Elle serait 120 fois plus consommée dans les villas que dans le reste de la population de Buenos Aires. Les plus touchés : les jeunes hommes de 18 à 24 ans, suivis des garçons âgés de 12 à 17 ans (très forte augmentation sur cette population).

Ce problème de consommation est par ailleurs directement lié au narcotrafic (essentiellement centré sur la cocaïne). La plupart des jeunes consommateurs seraient d’ailleurs recrutés par les trafiquants et payés en paco. 

 

En juin 2013, un gang de la villa 21-24, présentée comme le centre névralgique du trafic de drogue à Buenos Aires, a été démantelé, révélant notamment les circuits de la drogue, avec la Bolivie et le Paraguay comme plaques tournantes vers l’Argentine. Un autre enjeu crucial de sécurité publique…

 

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En savoir plus :


Sources chiffres villas :

http://www.clarin.com/politica/ultimos-anos-crecio-poblac...

http://www.lanacion.com.ar/1620011-villa-cristina-villa-l...

http://www.lanacion.com.ar/1637796-las-villas-un-flagelo-...


Pour des infos approfondies sur l’histoire des villas, consulter
:
http://www.solesdigital.com.ar/sociedad/historia_villas_1...


Une étude intéressante sur les organisations de la société civile active dans les villas

 

 

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05/03/2014 | Lien permanent

Buenos Aires : une architecture en liberté

Entretien avec Patricio Pouchulu

Patricio Pouchulu est architecte diplômé de l’Université de Buenos Aires (1990) et titulaire d’un Master en Architecture du University College London (1998). Il a enseigné l’architecture à la UBA, à Londres et à Münich.

Patricio, avant de parler de l’architecture porteña, pourriez-vous nous dire ce qui vous a conduit à ce métier ? Comment êtes-vous devenu architecte ?

Patricio-Pouchulu-Buenos-Aires.jpgJ’ai toujours été sensible à la notion d’espace. La lumière, les paysages, la stimulation des sens m’ont toujours intéressé comme expérience vécue. De plus, l’idée de construire, de créer, m’a très vite attiré. Et comme par ailleurs, dès l’âge de 5 ans, j’ai commencé à dessiner, peu à peu la carrière d’architecte est apparue comme une évidence. Transformer une idée en formes, en objets, en espace à vivre, à travers le dessin, voilà qui constitue sans doute le socle de mon orientation.

Je dois rajouter que mon père était cinéaste et ma mère peintre, et qu’un des mes arrières-grands-pères était architecte. Cet environnement familial a sans aucun doute compté, tout comme le fait de naître à Buenos Aires. Naître ici, c’est être confronté dès son plus âge à l’architecture dans tous ses états : on est environné d’immeubles, de constructions, de bâtiments…

  •  Le point de vue de Patricio Pouchulu sur la formation et le métier d’architecte:

"Je me souviens de mes années d’études à l’UBA. Ce qui était très particulier, c’est qu’on ne sortait jamais visiter la ville, voir les édifices. L’architecture s’apprenait uniquement dans les livres. En tant que professeur, j’ai toujours fait en sorte d’emmener les étudiants découvrir de visu les bâtiments, les ensembles étudiés. Rien ne vaut l’expérience directe pour comprendre l’architecture !"

"Je continue à beaucoup dessiner à la main, ce qui est aujourd’hui assez anachronique. Beaucoup de collègues n’utilisent plus que l’ordinateur pour élaborer les dessins et les plans. De mon point de vue, cela contribue à déshumaniser l’architecture, à la rendre plus impersonnelle, plus robotisée. Cela se retrouve ainsi dans le processus de la critique. Il est aujourd’hui fréquent que les œuvres architecturales soient discutées, commentées, critiquées, sans qu’elles soient même visitées. Encore une fois, on perd une chose essentielle : l’expérience vécue."

"En ce qui me concerne, tous les jours et à toute heure, j’écris et je dessine dans des petits cahiers moleskine. Je transfère ensuite les dessins sur des feuilles plus grandes, les scanne et les analyse. Avec les jeunes architectes de mon cabinet, nous travaillons ensuite sur des dessins à partir du logiciel BIM. Une fois ces différentes étapes franchis, nous élaborons les maquettes. Je dessine et peins toutes mes perspectives à la main ; cela prend beaucoup de temps, mais cela rend ces pièces vraiment uniques. Elles dégagent une âme que n’ont pas les dessins digitaux. Depuis 25 ans, je lutte contre la progressive disparition du tracé à la main. La reconnaissance des clients et de la communauté internationale, par rapport à mon travail « à l’ancienne », est une vraie satisfaction."


Selon vous, quelles sont les caractéristiques principales de l’architecture à Buenos Aires ?

Je dirai qu’un point fondamental est le fait que cette ville soit en constante évolution, en constante rénovation. Les Porteños ont toujours aimé suivre la modernité.

Ce qui est important à Buenos Aires, c’est l’unité architecturale représentée par la manzana (NdA : Buenos Aires comme toutes les villes d’Amérique est construite sur la base d’un plan à damier, au centre duquel se trouve la place d’Armes. Une manzana correspond à un carré du plan). Chaque manzana est un univers qui est une somme d’univers différents.


Précisément, d’un point de vue extérieur, on a souvent l’impression qu’il n’y a aucune harmonie architecturale à Buenos Aires. Un immeuble néo-classique peut-être voisin d’un bâtiment de 10 étages en béton, lui-même voisin de petites maisons individuelles. Comment a-t-on abouti à ce résultat ?

barracas 1.JPGIl n’y a pas eu à Buenos Aires de travail de zonification, ou d’urbanisme à proprement dit. Ce qu’il y a de très spécial à Buenos Aires, c’est que la ville a réellement explosé fin 19e – début 20e. L’immigration européenne massive a sans doute été un facteur de « désorganisation » de l’architecture. Il fallait avant tout construire pour accueillir tous ces nouveaux habitants.

De plus, l’Argentin manifeste souvent une attitude très individualiste. On s’occupe de son bâtiment et pas de celui de son voisin. Peu importe que la juxtaposition ne soit pas harmonieuse. Cela reflète peut-être une forme de liberté excessive.


Mais n’y-a-t-il pas des règles fixées par des agences gouvernementales ?

Le gouvernement en général délimite des espaces, mais à l’intérieur des espaces, c’est la liberté personnelle qui prévaut. Toutefois, il y a quelques quartiers, où effectivement des règles architecturales doivent être respectées : c’est le cas de Barrio Norte, Recoleta, Diagonales. Ce sont les quartiers « institutionnels ». Ailleurs, on voit que c’est un semi-chaos qui règne.


Et que pensez-vous de ceux disent que Buenos Aires ressemble à Paris ? Pour un Français cette comparaison est parfois étrange.

1.cathedrale 25 décembre.JPGAu tournant du 20e siècle, l’Argentine s’est inspirée du courant néo-classique qui régnait en Europe depuis déjà 2 décennies. Ce style reflétait directement le pouvoir à travers ses lignes majestueuses. Jusqu’aux années 1920, se sont donc construits à Buenos Aires de très nombreux édifices néo-classiques. C’est d’ici que vient la comparaison avec Paris.

Puis le modernisme a fait son apparition en Allemagne, en France, en Italie… Et Buenos Aires, qui comme je le disais au début, est une ville en constante rénovation, a suivi le mouvement. Du coup, cette ville qui au tournant des années 20, avait quelque chose de très parisien dans ses constructions Place fac de médecine.JPGnéo-classiques, a commencé 10 ans après, à détruire ce qu’elle venait de construire, pour s’orienter vers le courant moderniste. Pour construire moins cher et dans une visée architecturale plus « sociale », on a supprimé les ornementations, simplifié les lignes, etc. Le style néo-classique était soudain le représentant d’une époque révolue.

La matrice architecturale de Buenos Aires se fonde ainsi sur la double influence néo-classicisme/ modernisme.


  • L’Argentine et les architectes: "Si l’on devait citer un grand architecte argentine, on parlerait sans doute de Clorindo Testa. Mais de fait, en Amérique latine, c’est le Brésil qui au cours de ces dernières décennies a eu l’influence la plus importante. Entre 1950 et 1970, en particulier, sont apparus des architectes dont la renommée allait devenir internationale, le premier d’entre eux étant Oscar Niemeyer. L’Argentine, elle, est surtout un pays d’artistes plastiques."

 

Aujourd’hui, à Buenos Aires, on compte de nombreuses villas installées en pleine ville. Pensez-vous qu’elles feront un jour partie du patrimoine architectural ?

Les villas sont ni plus ni moins que des ghettos. Celles qui sont installées en pleine ville constituent un véritable délire. Elles se sont étendues de manière considérable, sans contrôle aucun des autorités et sans recherche de solution durable pour les populations qui les habitent. La villa 31 est un exemple dramatique de villa qu’on a laissé se développer en plein cœur d’un nœud de transports. Il paraît absolument nécessaire de réfléchir à des solutions de relogement, doublées de mesures sociales efficaces.

La solution pourrait être de créer de nouvelles manzanas, à vocation sociale. Il faut d’ailleurs souligner qu’une des pépites architecturales de Buenos Aires est l’ancienne cité HLM installée en face du Parque Los Andes. Peut-être que ceci pourrait constituer une inspiration pour trouver une issue à la question des villas.


En tant qu’architecte, quels sont vos édifices, vos quartiers ou vos rues préférées de Buenos Aires ?

av Libertador.JPGL’avenue qui relie la Boca à Palermo sur près de 10 kms est particulièrement intéressante. On peut y découvrir une succession de monuments néo-classiques d’une grande beauté. Partez depuis le parc Lezama, passez ensuite par la Casa del Gobierno, Puerto Madero, la Plaza San Martin, et l’avenue Libertador.

A Buenos Aires, je recommande aussi d’avoir souvent les yeux en l’air. La ville est plus intéressante à partir du 2e étage des immeubles. En-dessous, c’est le commerce qui a triomphé. Il y a en particulier certaines « esquinas urbanas » remarquables, avec de magnifiques coupoles aux 4 coins de la manzana. C’est le cas de Florida/ Diagonal Norte par exemple.

J’ai également beaucoup de plaisir à marcher dans Puerto Madero, le long des bassins. La rénovation des vieux docks anglais en briques est une vraie réussite.

Il me paraît par ailleurs qu’on sous-estime la beauté architecturale des gares porteñas : Retiro (qui est une des dernières gares de style victorien), Once et Constitucion, sont des lieux remarquables.

Enfin, les galeries commerciales sont une des particularités très intéressantes de Buenos Aires. Il s’agit de passages, remplis de boutiques, qui permettent de traverser une manzana. Il en existe une trentaine à Buenos Aires. Ce sont de véritables petites villes miniatures. On en a commencé à construire à l’époque du néo-classique, mais leur succès a été tel que de nouvelles galeries ont vu le jour jusqu’aux années 1970.

 

  • Les projets en cours de Patricio Pouchulu: Au cours de ces dernières années, Patricio a travaillé sur des transformations de bâtiments dans le centre historique de Londres. Actuellement, il travaille sur une maison de vacances à Biarritz, et prépare une série de grands projets : un complexe hôtelier au centre de Buenos Aires, un hôtel- résidence dans la Cordillère des Andes, ainsi qu’une chaîne de petits hôtels en Europe.

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