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11/04/2014

La Crimée, les Brics et l'Argentine

Je vous livre la traduction d'un article de Julio Burdman, sur la prise de position argentine dans le contexte de la crise ukrainienne. Alors que l'Europe occidentale et les Etats-Unis dénoncent à tour de bras l'intervention russe -qui bien sûr va contre leurs intérêts-, l'Argentine et les BRICS ont une position bien plus nuancée. Enjeux politiques et économiques sont au cœur de leur positionnement.

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Auteur de l’article : Julio Burdman, politilogue argentin. Responsable de la recherche et du développement de l’Université métropolitaine (UMET, Buenos Aires) et coordinateur de l’Ecole de Défense Nationale (EDENA). Version originale de l’article sur Infobae.

 

La question de la Crimée a ouvert une ligne de brèche entre, d’une part la Russie et les BRICS, et d’autre part, le bloc occidental dirigé par les Etats-Unis et l’Europe. Cette situation a contribué à l’alignement de tous les pays du monde dans 2 « files » différentes. L’Argentine et les pays du Mercosur ont opté pour l’une d’elles.

Les événements récents en Ukraine et en Crimée

La séquence des faits en Ukraine est connue. La polarisation entre les populations europhiles de l’ouest ukrainien et les russophiles de l’est, est un phénomène de longue date, qui s’est renforcé depuis les 15 dernières années. Ceci s’est d’ailleurs clairement reflété dans les récents processus électoraux : les votes se divisaient entre les candidats anti-russes dans leurs bastions des provinces de l’ouest, et les pro-russes prédominants à l’est.

Carte ethno-linguistique de l'Ukraine.png

Source : Slate.fr / Cartes pour comprendre l’Ukraine

 

Cette tension est arrivée à son paroxysme, lorsque le président Victor Ianoukovitch, issu d’une coalition russophile, mais exerçant le pouvoir à travers un sinueux équilibre entre options pro-européennes et pro-russes (allant jusqu’à négocier de manière simultanée l’association de l’Ukraine avec l’UE et l’union douanière entre la Russie, la Biélorussie et le Kazakhstan), a abandonné en novembre dernier sa politique d’équilibre pour faire échouer le processus d’incorporation à l’Union Européenne, suite à un accord avec Vladimir Poutine.

L’opposition pro-européenne (qui inclut le parti ultranationaliste et antirusse Svoboda, protagoniste clé des violentes manifestations de rues), a alors initié une série de manifestations qui ont abouti à la prise du Parlement et au vote du retour au système parlementaire. Ianoukovitch s’est alors déclaré victime d’un coup d’Etat et a demandé l’asile politique à Moscou, qui lui a rapidement accordé. Aujourd’hui installé en Russie, Ianoukovitch continue de se considérer comme le président légitime de l’Ukraine.

Face à l’ascension des pro-européens au gouvernement à Kiev, et dans le cadre du retour des vieux débats sur l’identité ukrainienne, le parlement de la République autonome de Crimée (qui faisait partie de l’Ukraine), ainsi que le conseil municipal de la ville autonome de Sébastopol, ont déclaré avec une large majorité, leur indépendance vis-à-vis de Kiev. Ils ont simultanément demandé leur annexion à la Russie, et organisé dans la foulée un référendum (initialement prévu pour mai, mais avancé par décision de l’assemblée). Le résultat a été sans appel : 97% des votants se sont révélés favorables à l’annexion, et ce, avec une participation électorale de 85%.

Dans la péninsule de Crimée, où vivent plus de 2 millions de personnes, la majorité de la population est russe, avec des minorités d’Ukrainiens et de Tartares russophones, qui s’identifient également avec la Russie. En 2010, le président démis avait gagné les élections dans cette région avec 80% des votes. La Russie a approuvé l’annexionle discours complet de Vladimir Poutine donné devant la Douma le 18 mars, est de lecture obligatoire pour tous ceux qui veulent comprendre ce qui est en train de se passer dans le monde- et a aussitôt envoyé des troupes sur place.

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Source : Slate.fr

 

L’annexion de la Crimée pourrait être comprise comme une solution d’équilibre pour les deux parties en conflit : les pro-russes de l’est ukrainien résolvent un vieux conflit, la Russie récupère une péninsule “historique” [NdT: la Crimée a appartenu à l’Union Soviétique jusqu’en 1954] et les Européens de l’ouest se retrouvent dans la meilleure position que jamais pour concrétiser leur association avec Bruxelles. Cependant, l’Union Européenne et les Etats-Unis se sont vus obligés à réagir politiquement, et ont promu une série d’actions : sanctions économiques, commerciales et diplomatiques contre la Russie, vote d’une résolution de l’Assemblée des Nations Unies, favorable à l’ « intégrité territoriale de l’Ukraine » et invalidant les résultats du référendum.

 

La position de l’Argentine aux Nations-Unies face à l’annexion de la Crimée

L’Argentine a décidé de s’abstenir lors du vote aux Nations-Unies, de même que les autres pays du Mercosur. La présidente a par ailleurs fait plusieurs déclarations publiques, sympathisant avec la position russe, critiquant le « double standard » dans les relations internationales et regrettant les sanctions économiques contre Moscou qui « empêchent tout dialogue constructif ». Les journaux également ont fait part d’une conversation téléphonique entre Poutine et le présidente argentine, avant les déclarations de celle-ci.

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Vladimir Poutine et Cristina Kirchner – RIA, image d’archives

 

Les raisons économiques de l’alignement russe de l’Argentine

L’alignement des différents pays du monde aux Nations-Unies, en faveur ou contre Moscou, est très fortement corrélé avec les alliances économiques et commerciales. En Amérique du Sud, les membres de l’Alliance du Pacifique (Moscou, Colombie, Pérou, Chili et bientôt également, Panama) ont voté pour la motion occidentale ; et ceux du Mercosur, avec une même discipline, se sont abstenus. La Russie –prise isolément - n’est pas un pays de grande importance pour le commerce extérieur de l’Argentine. Mais les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), si, le sont. De fait, cet ensemble de pays est le principal destinataire de nos exportations. Avec la Crimée, tous les BRICS ont pris la défense de Moscou et ainsi débuté comme bloc de pouvoir politique international. Et Buenos Aires, en cohérence avec ses alliances économiques actuelles, s’est positionnée de leur côté.

L’importance cruciale des BRICS pour l’Argentine est indéniable. Le Brésil et la Chine sont actuellement les deux pays les plus importants pour notre commerce extérieur. Si l’on regarde les données des exportations en 2012 (presque 81 milliards de dollars), et qu’on les organise par région géopolitique, on constate que 30,7% de celles-ci (quasi 25 milliards de dollars) résultent du commerce avec les BRICS : 16,495 milliards avec le Brésil ; 5,336 avec la Chine ; 1,183 avec l’Inde ; 1, 050 avec l’Afrique du Sud, et 785 millions avec la Russie-CEI. A côté de ça, 22,5% du total des exportations se sont faits avec le Bloc Occidental : 11,880 milliards avec l’Union Européenne, 4,132 avec les Etats-Unis, et 2,194 avec le Canada. L'Amérique latine (hors Brésil) représente quant à elle 21,34% des exportations. Des pays africains et asiatiques représentent la dernière part des exportations de l’Argentine.

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Les pays de destination des exportations argentines en 2012

 

La matrice commerciale de l’Argentine a radicalement changé au cours des dernières années. Le poids des BRICS a augmenté de manière très significative dans notre économie, rognant ainsi sur notre relation historique de dépendance commerciale avec les puissances occidentales. Les pays de l’Alliance du Pacifique, à l’inverse, sont beaucoup plus associés avec les économies du bloc occidental.

L’option internationale de l’Argentine, dans la mesure où d’autres valeurs supérieures ne sont pas en conflit, est cohérente avec la logique de ses alliances économiques ; et ceci est également valable pour presque tous les pays du monde.

La géopolitique de notre commerce extérieur, comme on le voit, est une donnée inévitable à l’heure d’expliquer notre vote concernant la Crimée aux Nations-Unis.

 

> Sur la notion de “double standard” dans les relations internationales, lire la tribune du ministre des Affaires étrangères Hector Timerman

 

Traduction : Isabelle Laumonier

 

 

Commentaires

Bonjour,
Je viens de découvrir votre blog. Merci pour toutes ces infos super intéressantes. C'est un plaisir de vous lire. Vivement novembre que je découvre Buenos Aires!

Écrit par : pakistar | 04/05/2014

Merci beaucoup Pakistar !
J'espère que vous continuerez à trouver des infos intéressantes sur les Chroniques de Buenos Aires :-)
Isabelle

Écrit par : isabelle | 14/05/2014

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