30/11/2014
Relations Chine-Argentine : un "partenariat stratégique global" ?
La rencontre en juillet dernier entre le président chinois Xi Jinping et Cristina Kirchner a une nouvelle fois renforcé un « partenariat » entamé plusieurs décennies auparavant. Xi Jinping a parlé à cette occasion de la naissance d’un « partenariat stratégique global ». Mais à n’en pas douter, ce partenariat n’a rien d’équilibré. La dépendance de l’Argentine à l’égard de la Chine est en train de se creuser. Décryptage.
Les derniers accords signés entre l’Argentine et la Chine
À l’occasion de sa tournée en Amérique latine, le président chinois a signé plusieurs accords octroyant des financements à l’Argentine dans les domaines stratégiques de l’énergie, des infrastructures et des devises. Concrètement, la Chine s’est engagée sur les points suivants
- Aide financière de plus de 3 mds de dollars pour la construction de 2 barrages hydroélectriques
- Contribution de plus d’un milliard de dollars au développement des réseaux ferroviaires, ayant pour but le transport des denrées alimentaires
- Swap monétaire permettant (échange de devises), offrant à la Banque centrale Argentine la possibilité de renflouer son stock de réserves.
Cette coopération gouvernementale s’est accompagnée de la signature d’accords entre chefs d’entreprise argentins et chinois pour un montant avoisinant 1,5 milliard de dollars.
Le swap monétaire a été précisé par la signature en septembre d’un nouvel accord entre les présidents des 2 banques centrales : celui-ci permet à l’Argentine de disposer jusqu’à 11 milliards de dollars de réserves de changes, en cas de besoin… Et des besoins de réserves, Buenos Aires en a ! Le conflit avec les fonds « vautours » n’est toujours pas résolu et le niveau des réserves de la Banque centrale reste au plus bas. La Chine a d’ailleurs fait savoir qu’elle soutenait pleinement les revendications de l’Argentine face aux fonds spéculatifs.
Dans un communiqué paru dans le courant de l’été, la Chine s’est félicitée de l’approfondissement des relations bilatérales, et de la création de ce « partenariat stratégique global ». Cette avancée géostratégique s’inscrirait dans la volonté de Pékin de « renforcer la solidarité entre tous les pays en voie de développement ».
Pour compléter ce panorama d’accords récents, il faut signaler :
- un accord spécifique sur le nucléaire, signé en septembre : la Chine contribuera au financement de la 4e centrale nucléaire argentine.
- La signature (encore en septembre) d’un accord pour créer un observatoire lunaire chinois en Patagonie… Accord ayant déclenché une véritable polémique pour les conditions de sa mise en œuvre.
Observatoire chinois en Patagonie
La Chine poursuit depuis déjà plusieurs années un important programme spatial… L’accès à l’espace reste une façon très symbolique de s’affirmer comme grande puissance.
À travers l’accord récemment signé, l’Argentine met des centaines d’hectares en Patagonie (province de Neuquén) à la disposition de la Chine, pour une période de 50 ans. Celle-ci bénéficiera d’exemptions fiscales et pourra faire venir du personnel chinois. De nombreuses voix se sont élevées pour signaler que ce projet restait extrêmement opaque et qu’il restait difficile de savoir si la base en question ne serait pas utilisée à des fins militaires.
Ce que ces accords coûtent à l’Argentine
Le gouvernement de Beijing n’est pas un enfant de chœur : les milliards distribués ont bien sûr des contreparties. Tout d’abord, l’Argentine a largement ouvert ses frontières aux marchandises chinoises, à tel point que depuis juillet 2014, la Chine est devenue le 2e partenaire commercial de l’Argentine.
Mais il s’agit là d’une relation très déséquilibrée. Non seulement la balance commerciale argentine est déficitaire (5 milliards en 2013), mais le contenu-même des échanges commerciaux rappelle la faiblesse de l’Argentine. Tandis que la Chine fait entrer des produits manufacturés de tous types (jouets, produits technologiques, motos…), l’Argentine ne vend à la Chine que des matières premières et agricoles.
Le soja à lui seul représente 71 % de ses échanges, suivi… très loin derrière, par le pétrole (11 %), le cuir (2 %), etc.
D’ailleurs l’investissement récent réalisé par la Chine dans les infrastructures argentines vise essentiellement à baisser le coût de transport des matières agricoles.
Tous les chiffres de la balance commerciale argentine sont disponibles sur le site de l’Indec.
Chronologie des relations sino-argentines
Les relations officielles entre les deux pays ont commencé à se développer à partir de 1972. Pendant les 30 ans qui ont suivi, les relations se sont consolidées à travers des visites d’États et des signatures d’accords.
> Consulter la chronologie sur le site de l’ambassade de Chine en Argentine.
Toutefois, c’est avec le premier mandat de Nestor Kirchner (2003-2007) que la région asiatique a commencé à représenter un partenaire de premier rang pour l’Argentine.
Les relations Chine-Argentine représentatives d’un nouvel ordre mondial ?
Pourquoi l’Argentine, dont les liens commerciaux ont toujours été très forts avec l’Europe, est-elle en train de tourner les yeux vers l’Ouest ?
Ce changement de stratégie s’explique à la fois par des raisons économiques et financières évidentes, mais aussi par l’émergence d’un nouveau pôle géostratégique : les BRICS.
Il faut rappeler que l’Argentine éprouve une véritable rancune à l’égard des institutions financières des pays « riches ». Le FMI et la Banque mondiale sont constamment pointés du doigt, comme responsables des difficultés du pays dans les années 80 et 90. De la même manière, les États-Unis et l’UE sont souvent présentés comme un modèle néo-libéral à rejeter.
Pour faire entendre sa voix d’émergent, l’Argentine a donc tout intérêt à s’allier avec des puissances « en devenir », à savoir les BRICS.
Le 17 novembre dernier, l’ambassadeur de Chine en Argentine a donné un discours devant le Sénat argentin sur le thème : « Les BRICS dans le nouvel ordre mondial ». Il y a rappelé que les BRICS sont désormais une « force fondamentale pour faire front à la crise financière internationale, impulser la croissance économique mondiale et promouvoir la démocratisation des relations internationales ».
Deux visions du temps
Une chose est sûre : l’Argentine et la Chine n’ont pas la même conception du temps. Tandis que l’Argentine est plus que jamais court-termiste, avec des mesures qui ressemblent souvent à des rustines, la Chine, elle, continue de placer des pions dans une perspective millénaire. L’Empire du Milieu voit loin, très loin…
00:05 Publié dans Economie argentine, Politique argentine | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : relations chine-argentine, soja argentine, nucléaire argentine, accords chine-argentine, brics, observatoire chinois patagonie | Facebook | | |
Commentaires
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Écrit par : invité | 01/12/2014
Ca fait peur pour l'Argentine !
Un rapport si déséquilibré est forcément néfaste pour l'Argentine à long terme. Mais l'Argentine n'a pas le choix à court terme..!
Moi qui travaille dans le voyage, j'ai beaucoup de mal à proposer de voyage en Argentine car je n'ai aucune visibilité sur ce pays inflationniste ! Dur dur, car j'apprécie énormément l'Argentine !
Écrit par : Lenaic | 05/03/2015
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