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07/02/2012

Etre importateur en Argentine : un challenge de plus en plus relevé

L’Argentine n’en finit pas de chercher des moyens pour équilibrer sa balance commerciale. Déjà adepte des mesures protectionnistes, le gouvernement vient d’en rajouter une à son arsenal. Depuis le 1er février, toutes les entreprises importatrices installées en Argentine doivent se soumettre au régime de la Declaración Jurada Anticipada de Importacion (mise en place par l’AFIP).

La DJAI comporte notamment la valeur des biens importés, le type et la quantités des biens importés, l’état de la marchandise, le pays d’origine (de fabrication) et le pays d’où la marchandise arrive.

Parallèlement à la DJAI, les importateurs devront faire parvenir au Secrétariat du Commerce Extérieur une demande dans laquelle ils précisent ce qu’ils souhaitent acheter à l’extérieur.

Les importateurs ont rapidement fait part de leurs inquiétudes quant aux délais de traitement des demandes dans ce contexte de contrôle renforcé, et quant aux éventuelles causes de refus de la part des instances gouvernementales.

Très rapidement, certains pays du Mercosur, dont le Brésil et l’Urugay, ont également manifesté quelques interrogations à l’égard de la DJAI, qui semble peu compatible avec l’idée du Mercosur. Pour apaiser rapidement les craintes, une réunion a été organisée aujourd’hui même entre la secrétaire du commerce extérieur argentine, Beatriz Aglieri , et son homologue brésilienne Tatianza Prazeres.  C’est le sujet de l’industrie automobile qui a été le cœur de cette première rencontre ; une 2e suivra dans deux semaines.

L’AFIP et le Secrétariat du Commerce Extérieur insistent sur la nécessité de lutter contre le déficit commercial de l’Argentine. Quant au consommateur argentin, ne sera-t-il pas le grand perdant de toutes ces tractations ?

 

> En savoir plus

> Consulter la circulaire d'application de la Declaración Jurada Anticipada de Importacion (DJAI)

05/02/2012

Réforme de la Constitution argentine, CFK va-t-elle aller jusqu’au bout ?

constitucion-argentina.gifQuand l’on commence à vouloir modifier la constitution d’un Etat pour rester plus longtemps au pouvoir, les citoyens peuvent commencer à s’inquiéter pour le respect de la démocratie… Il faut par exemple demander aux Sénégalais ce qu’ils en pensent.

Or voilà que les kirchnéristes nous parlent d’un rêve de Cristina éternelle. La réforme de la Constitution souhaitée par le parti au pouvoir fait beaucoup jazzer ces derniers jours. La politique argentine n’est-elle pas en train de virer au culte de la personnalité aux dépens des idées et programmes ?

Ojo ! sujet sensible à suivre.


03/02/2012

Qui est l’Argentin ?

(suite de la synthèse de l'ouvrage de Pierre Kalfon, Argentine)


Qui est-il cet individu d’Amérique latine qui se présente souvent comme Européen ? Dans un schéma amusant, Pierre Kalfon résume très bien les mélanges nombreux qui ont donné naissance à l’Argentin et à son tempérament sans pareil (cliquez sur l'image, pour la voir en grand).

DSCN9423.JPGS’y croisent les influences indiennes, espagnoles, françaises, italiennes, juives, le caractère du gaucho...

Le rêve du président Sarmiento (1868-1874) de  faire venir en Argentine une colonisation anglo-saxonne et nordique a bien échoué ! Car à la fin du XIXe, ce sont les Napolitains qui arrivent en masse et font apparaître le « type italo-argentin »

« Tournant le dos à ses voisins [avec la cordillère], orientée vers un Sud qui ne conduit nulle part, tendue, splendide et sourde aux confins du monde, l’Argentine est une île »... et ses insulaires, très souvent d’une étonnante superbe, pour ne pas dire arrogance ! Pierre Kalfon, souligne à raison (c’est encore le cas) que l’ "Indio" est méprisé par l’Argentin de souche européenne.

Au-delà du métissage qui donne naissance au « criollo », l’Argentin dispose de traits de caractères spécifiques. Kalfon le dit pragmatique et nonchalant, un trait qui n’a point changé ! L’Argentin de 2012 est toujours aussi débrouillard et orienté vers les solutions pratiques ; quant à sa nonchalance, Kalfon la fait remonter à l’accès "simplisimo" à la nourriture. Pendant très longtemps, l’Argentin pour ainsi dire n’a qu’à se pencher pour trouver à manger… de la viande par kilo !

Mais l’Argentin est un « type » complexe. Pierre Kalfon parle d’une inquiétude métaphysique, qui engendre une certaine paresse, symbolisée par  l’expression « Total, par qué ? » au final, ça sert à quoi ?

Il s’appuie notamment sur le fameux livre de Raul Scalabrini Ortiz El hombre que esta solo y espera
 (L’homme qui est seul et attend/espère). Cet ouvrage paru e 1931 connut un extraordinaire succès et trace un très intéressant portrait psycho-social du porteño. Car parmi tous les Argentins, l’habitant de Buenos Aires est un cas particulier. Le porteño (qui représente aujourd’hui 1/3 de la population) a un comportement distinct.

C’est un homme foncièrement urbain mais marqué par « l’esprit de la terre », par l’esprit de cette pampa, immense territoire aux horizons et aux cieux sans fin, qui lui font prendre conscience de la finitude face au passage du temps, et ont tendance à l’inciter à l’inaction.

C’est aussi un homme seul (et comment peut-on se sentir plus seul que dans la pampa), mais qui cherche constamment à échapper à la solitude et au silence. C’est pour cela, selon Pierre Kalfon, pour oublier cette condition, que la radio [et aujourd’hui, on peut rajouter la télé !] est partout à bloc, y compris dans les lieux publics. C’est aussi pour cela que le porteño a tendance à vouloir partout se fondre dans la foule, celle de la Ville, celle des vacances. Mar del Plata surgit comme paroxysme de ce comportement grégaire : s’agglutiner pour ne plus sentir sa solitude.

C’est un homme d’improvisation et non de plan, un homme qui suit son instinct. Le porteño ne pense pas, il sent. Il méprise la vanité de l’intellectuel.

Ce que ne dit pas Kalfon, c’est l’analyse faite par Scalabrini Ortiz de l’influence des capitaux étrangers sur le caractère porteño. L’habitant de Buenos Aires a développé une méfiance instinctive face au capitalisme mondial, et Scalbarini Ortiz n’hésite pas à dénoncer les hommes politiques argentins qui s’y associent en pensant que le pays leur appartient. Ce trait est particulièrement intéressant, car il est toujours aussi vif aujourd’hui. Il suffit de voir l’opinion générale des Argentins, vis-à-vis des Etats-Unis et d’institutions, tels que le FMI et la Banque mondiale.

Le porteño se présente ainsi comme un nationaliste anti-impérialiste… et c’est peut-être aussi pour cette raison que le sujet des Malouines reste aussi sensible auprès de la population.

Au final, le porteño est un homme conscient de la fragilité de ce qui l’entoure, et qui malgré sa solitude, porté par el « esperitu de la tierra », se réconforte dans le bavardage amical dans un café ; il réhumanise la vie grâce au langage.

N’est-ce pas exactement ça le charme argentin ? Cette parole tendue en permanence ?
*

Autre trait distinct de l’Argentin : c’est une personne qui s’en remet souvent au hasard. Pierre Kalfon pointe ainsi le nombre extraordinaire de kiosques de loterie… toujours visibles aujourd’hui ! Une attitude qui peut s’expliquer notamment par les multiples soubresauts du pays ; demain est imprévisible, incalculable. Il faut juste espérer (que les choses s’arrangent)
Peut-être en raison des multiples troubles qu’a connus le pays, « personne ne fait confiance à personne », ce qui ne simplifie pas forcément les relations de business !  Kalfon qui anticipe là les questions interculturelles soulignent l’importance pour les entreprises étrangères, d’avoir leur avocat argentin pour « faciliter » les négociations !


Selon l'auteur, l’Argentin souffre de ce que le pays aurait dû être et qu’il n’est pas devenu. Et à dire vrai, nombreux sont les Argentins que j’ai rencontrés (ceux des générations anciennes toutefois) qui se montrent assez amers sur l’histoire de leur pays.
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Evidemment, la vision de Kalfon sur l’Argentin ne pouvait éviter le dimanche, consacré à l’asado ou au football, deux « passions » si ancrées dans l’âme argentine.


Finalement, la seule analyse du livre qui ne tient peut-être plus aujourd’hui, c’est celle qui concerne la relation de l’Argentin à l’Eglise. Kalfon décrit l’Argentine comme un « pays païen ». Sans doute n’avait-il pas prévu l’extraordinaire essor des Eglises évangélistes.

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40 ans après sa sortie, on peut estimer que le portrait tiré par Kalfon est toujours d'actualité, l'Argentin fidèle à son essence !

01/02/2012

Argentine, gens et histoire

4e de couverture "Argentine", Pierre KalfonQu’est-ce que l’Argentine ? Qui est l’Argentin ?
C’est à ces deux questions que Pierre Kalfon a essayé de répondre en 1967 dans un ouvrage baptisé sobrement Argentine, que m’a fait découvrir un lecteur* du blog.

1967 direz-vous, voilà un document qui doit être périmé. Vous feriez là une erreur. L’ouvrage pertinent et parfois impertinent de Pierre Kalfon donne une vision d’une étonnante modernité sur le pays. 40 ans d’ailleurs, ce n’est pas toujours le temps suffisant pour qu’un pays connaisse des changements significatifs, surtout lorsque l’histoire s’en mêle, et celle de l’Argentine n’est pas la plus simple loin de là.

L’auteur qui a été directeur des Alliances françaises de Mendoza, Rosario, et Mar del Plata parle en connaisseur et cela se sent. Je livre ici une synthèse de l’ouvrage en deux parties, aujourd’hui, qu’est-ce que l’Argentine ? Demain, qui est l'Argentin ?

Pierre Kalfon  est l’auteur du roman Pampa, paru en 2007

Qu’est-ce que l’Argentine ?
pampa-pierre-kalfon.jpg
L’Argentine, c’est avant tout la Pampa. C’est elle qui a fait de l’Argentine ce qu’elle est aujourd’hui. La pampa, c’est cette région immense qui s’étend de Buenos Aires jusqu’à la Patagonie. Des milliers de km2 entièrement plats, un désert de pâturage. En 1536, Pedro de Mendoza introduit le cheval en Argentine ; cet animal sera l’un des héros de la pampa, en donnant naissance aux mythiques gauchos.

Environ 20 ans plus ans, en 1556, un autre animal débarque de la lointaine Europe : la vache (introduite par les Frères Goes via le Brésil). L’histoire de l’Argentine est lancée. Le ruminant prend bientôt ses quartiers dans la pampa. Il se multiplie sans cesse, la viande devient l’aliment le plus accessible, et la folie de l’exportation bovine peut commencer, parallèlement au commerce du cuir.

Les colons espagnols rêvaient d’une terre où l’argent coulait à flot (l’Argentine et le Rio de la Plata tiennent leur nom du précieux métal qui en fait venait de Bolivie), ils découvrent que la vraie richesse c’est ce terrain immense où paissent les bovidés.

Mais finalement, ce qu’il faut se demander c’est si ce développement considérable de l’élevage, et l’afflux de devises qui allait avec, n’a pas représenté une « malédiction » pour le pays ?

A la fin du XIXe, alors que l’Europe s’est industrialisée à marche forcée, l’Argentine reste un producteur agricole et devient importateur des biens manufacturés européens. Le pays est certes développé, mais « mal développé ».

La société argentine, elle aussi, se structure autour des richesses liées à l’élevage. Les immigrés de la première heure s’accaparent les terres ; des latifundias gigantesques font leur apparition, et des fortunes considérables se font jour. Lorsque les grandes vagues d’immigration débutent (1880), c’est déjà trop tard pour acheter des terrains. Les nouveaux venus s’installent dans les villes (c’est l’essor de Buenos Aires qui sera bientôt tentaculaire) et occupent des postes dans l’administration et les « services ». La classe moyenne argentine émerge.

En 1914, alors que la 1ère guerre mondiale ravage l’Europe, l’Argentine est, en comparaison avec le reste de l’Amérique latine le pays le plus urbanisé, le plus alphabétisé,  et le plus fortement capitalisé ; son réseau ferroviaire compte parmi les 7 meilleurs du monde, MAIS elle n’a pas d’industrie.

Ainsi quand la crise de 1929 survient, le système d’un coup s’effondre. Les Etats-Unis et l’Europe, principaux importateurs de viande et de céréales locales, ne sont plus en mesure d’acheter argentin.
Le pays entre dans une ère de fortes turbulences, qui ne cessera pas vraiment jusqu’à l’avénément de la démocratie en 1982. Pierre Kalfon parle des années 30, comme le début du « golpismo » (de golpe : coup). Coup d’Etat, coup de force, coup de main, la prise du pouvoir se fait désormais de manière le plus souvent illégitime, quand ce n’est pas tout simplement violent.

Cette période coïncide toutefois avec la naissance progressive d’une industrie argentine, pour faire face à la crise mondiale. Une classe ouvrière se développe, c’est le terrain parfait pour l’arrivée du général Perón, en 1946. Aux côtés de sa femme Evita, il fait vivre le mythe d’une Argentine puissante et prospère.

Mais à la chute de Perón en 1955, l’Argentine doit constater qu’elle ne dispose toujours pas de l’industrie lourde, des transports, et de l’énergie suffisante pour revendiquer un statut de puissance industrielle. Elle reste bel et bien dépendante des exportations pour de nombreux biens et équipements.

En 1966, après une décennie tumultueuse, prend le pouvoir le général Ongania. C’est le début d’une vraie dictature, avec chasse aux communistes, dissolution de tous les partis, suppression de l’autonomie des universités. Parallèlement, une économie libérale se met en place, avec le retour en grande force des capitaux américains. Le pétrole est privatisé, tout comme les banques commerciales. 

L’ouvrage de Pierre Kalfon s’achève sur cet épisode historique. L’Argentine qu’il dépeint est une Argentine très divisée ; en 1973, elle élira de nouveau Perón dans un contexte tendu. Un an après, il meurt, laissant sa femme Isabel Perón au pouvoir. Bientôt une junte militaire dirigée par Videla fait un coup d’Etat. C’est le début d’une tragique dictature qui fera disparaître près de 30 000 opposants et  qui ne s’achèvera qu’en 1982, avec la défaite lors de la guerre des Malouines. S’ouvre alors une nouvelle page démocratique, qui en 2001 connaîtra une crise très profonde et ménera à l'avénement des Kirchner.


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Demain, le portrait de l’Argentin !

 

* Merci Patricio !